Personal Records, 2021
Black Metal tortueux, France
EP CD
Il n’est jamais trop tard pour découvrir un (très) bon album. Ainsi, c’est avec plus de trois ans retard que Visions chaotiques d’un songe halluciné atteint enfin les oreilles de votre serviteur. Il s’agit du premier signe de mort d’une formation au nom énigmatique, Archaeopteris, référence probable à l’arbre le plus vieux du monde.
Si la chose est diffusée conjointement par les labels mexicain Personal Records et hollandais Void Wanderer, ses créateurs sont pourtant français, de la région Grand-Est, pour être plus précis. Ceux-ci ne sont pas des inconnus puisqu’ils officient déjà tous les trois au sein de Croc Noir et des stoner doomeux de Supertzar pour le batteur. Cette expérience lui assure un professionnalisme certain mais ne dit rien de la teneur de ce galop d’essai qui ne noue de liens ni avec le pur metal noir ni avec le rock seventies qui sent la fumette. En revanche, son titre se veut bien plus éloquent, évocateur d’un art tortueux et cyclopéen, fouillant les replis tentaculaires de peurs immémoriales. Ce qui arrime Achaeopteris à la frange d’un black metal à la fois évolutif et monstrueux.
En deux pistes seulement (il s’agit d’un EP) d’environ huit minutes chacune, au maillage dense et compliqué, le groupe dresse déjà un édifice vicié, plongée démentielle dans des boyaux noirs et vertigineux qui donne l’impression de ne former qu’un bloc unique découpé en deux pans d’égale démesure.,‘Visions chaotiques’ puis ‘Songe halluciné’. Le premier bouillonne d’une tension dissonante, vortex étouffant qui avale toute trace de lumière, emporté par une exécution aussi saturée que déglinguée. Brisé, le parcours est très justement chaotique, alternant fureur et atmosphères hantées, océan de fer au ressac vicieux et obsédant.
Curieusement, le second s’ouvre sur des arpèges squelettiques, néanmoins vite balayés par une éruption de violence ténébreuse. La trame est encore une fois déstructurée, même si le tempo tend à ralentir davantage, malgré de ferrugineuses décharges qui tracent dans la roche des crevasses insondables au fond desquelles palpitent des cauchemars séculaires.
Dans la lignée effrayantes des Blut Aus Nord et autre Deahtspell Omega, la musique bâtie par Achaeopteris se mérite. Difficile à déflorer, on ne retient d’ailleurs, de prime abord, pas grand chose de Visions chaotiques d'un songe halluciné, sinon un maelström hurlant et torrentiel. Le groupe n’en force pas moins le respect par sa maîtrise du canevas étouffant aux allures de strates qui se chevauchent, (dé)construction impétueuse ruisselant un art noir grandiose dans sa folie la plus obscure.