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Arditi : Emblem Of Victory

Blooddawn Productions, 2023

Martial Ambient, Suède

Album CD

Son nom emprunté à un corps spécial de l'armée italienne durant la Première Guerre mondiale avant de devenir le bras armé du fascisme, sa fascination pour une esthétique militaire et le pouls martial qui gronde sous l'uniforme de son art autoritaire n'ont pas manqué de faire d'Arditi une entité suspecte pour quelques gauchistes sans imagination (pléonasme), flairant l'idéologie nauséabonde.

Reste que le duo suédois composé de Marten Björkmann et Henry Möller n'a pas d'égal dans ce créneau froid et sévère, évocateur des architectures colossales imaginées par Albert Speer et des images filmées par Leni Riefenstahl pour Le triomphe de la volonté (1935) auxquelles sa musique pourrait servir de bande-son. Depuis vingt-cinq ans, Arditi n'a jamais changé de fusil d'épaule, remuant inlassablement cet univers totalitaire dont il offre une illustration sombre et puissante et néanmoins envoûtante dans sa grandeur spartiate.

Emblem Of Victory est sa huitième campagne longue durée. Elle ne décevra pas ses admirateurs qui retrouveront la signature immuable du tandem. Roulements de batterie militaire, chœurs enveloppants, discours enfiévrés et glaciales nappes ambient constituent son arsenal reconnaissable entre mille, véritable liturgie de fer et de sang ('Bereitstellung'). Pourtant, malgré ce pré-carré bien défini, les Suédois réussissent encore une fois à se renouveler, plongée dans un champ de bataille dont on capte la tension, la peur. Tout du long, l'œuvre palpite d'une force percussive dont le caractère oppressant ne la rend pas moins froidement hypnotique.

A un 'Gloria Victis' crépusculaire qui résonne comme le prélude funeste d'une guerre imminente, auquel s'enchaîne ce 'Words Made Of Stone' apocalyptique dans sa noirceur militaire succèdent un '60 Thousand Dreams' aux lueurs inquiétantes et le pulsatif 'Wreath Of Oak Leaves', monument hanté d'émotions entêtantes dans les arcanes duquel s'accouplent rythmique martiale et beauté fantomatique en une symphonie barbare et tragique. On tient assurément là l'apothéose d'une écoute qui tonne d'une flamboyance obscure et, comme toujours avec Arditi, ravive les cicatrices de périodes sombres lorsque les armes supplantent les mots et les éclairs le temps des négociations.

Dans la droite lignée de ses glorieux devanciers, Emblem Of Victory porte dans sa chair la marque des Suédois, unique et précieuse, plus emphatique et percussive que jamais, toujours puissante et vibrant d'un éclat autoritaire et magnétique tout ensemble.

Childeric Thor - 8/10