Krucyator Productions, 2012
Blackened Death Metal, Canada
Album tape
Krucyator Productions, le label de l'homme qui se cache derrière N.K.V.D. et Autokrator, a le bon goût de rééditer en cassette From Forgotten Worlds, première exploration longue durée de Auroch, gravé en 2012. Si l'album avait déjà fait l'objet, il y a trois ans, d'une publication sous ce format via Tridroid Records, cette initiative a cependant un double mérite.
D'une part, elle pourra permettre aux néophytes de découvrir une redoutable pièce d'un death metal dont la technicité ne l'exonère en rien d'une malfaisance tellurique. D'autre part, elle offrira aux autres, à ceux qui ne sont pas étrangers à l'art vicié que maçonnent les Canadiens, le prétexte pour replonger dans les arcanes labyrinthiques de cette offrande tendue comme une hampe prête à exploser en un geyser ténébreux.
Reprenant l'artwork, superbe d'ailleurs, d'une précédente réédition (celle de 20 Buck Spin), l'œuvre gronde d'une force (noire) intacte qui nous plante au sol, empalés par ces coups de pilon tentaculaires. Piloté par Sebastian Montesi (Mitochondrion), Auroch galope à travers les terres ravagées d'un metal extrême d'une brutalité aussi hallucinée que millimétrée. Enraciné dans une stratigraphie compliquée à la manière de plaques tectoniques qui se chevauchent, From Forgotten Worlds explore les entrailles obscures de mondes souterrains sillonnés par de tortueuses galeries. Chacun de ses titres a quelque chose d'une marche supplémentaire vers l'indicible, vers une autre dimension, un multivers aussi mystérieux qu'oppressant.
Architecture dense et trapue que propulse une sève sismique, l'opus éjacule une sécrétion aux allures de magma puissant qui emporte tout dans son sillage. Si les musiciens sont à l'unisson d'une violence déchaînée (Pathogenic Talisman (For Total Temporal Collapse)), ces derniers prennent soin d'aérer leurs compositions par de salvatrices éruptions. De leur manche s'échappe ainsi une faible lumière qui rend l'écoute moins sévère que prévu, presque mélodique parfois (Terra Akeldama). Les nombreuses cassures qui les perforent participent d'une construction à la fois comprimée et atmosphérique (Fleshless Ascension (Paths Of Dawn)).
Sa courte durée, loin d'en altérer la sourde tension, confère à From Forgotten Worlds une puissance dévastatrice. Véritable viol auditif, on sort de son écoute, lessivés, comme vidés mais cependant comblés, pleins de cet orgasme furieux. Mêlant effusion de virtuosité en même temps que fulgurance d'agressivité, ce disque est tout du long travaillé de l'intérieur par cette ambivalence viciée, dédale compressé tapi de piège qui nous égare autant qu'il nous fascine.