De Tenebrarum Principio, 2013
Black Metal / Ambient, USA
CD
Américain de sol, Battle Dagorath est en fait clairement européen de sang. Et ce n'est pas seulement à cause de la présence aux claviers de Vinterriket, d'abord invité de luxe et désormais membre permanent. Ces visuels montagneux et glacials et surtout cette trame d'une luxuriance épique l'arriment de facto à une certaine vision de l'art noir, aux confins de l'Ambient.
Malgré un massif Eternal Throne en 2008, nous n'avions pas prêté une très grande attention à son successeur, Ancient Wraith . A tort, eu égard à la qualité de cette troisième offrande aussi hallucinée qu'hallucinante qui nous réconcilie d'un coup à cette formation encore (injustement) méconnue.
Pourtant, du haut de 80 minutes au garrot (!), on pouvait craindre que Cursed Storm Of Ages se réduise à un bloc difficile à pénétrer, machin indigeste au bout duquel on ne parvient jamais vraiment. Habitué des marathons, jamais le groupe n'était donc allé aussi loin, d'autant plus que le nombre de piste n'a guère été multiplié. C'est dire la durée générale de celles-ci, la majorité d'entre elles franchissant la barre des dix minutes. Trois plages plus courtes bien que toujours d'un minutage conséquent, balisent enfin une immersion au final plus aisée que prévu.
Dès \"Cloud, Shadow, Earth & Flesh\", les musiciens ferrent l'auditeur pour ne plus le lâcher jusqu'au terminal \"The Last Dying Winter\". Ils forgent un Black Metal d'une densité extrême, maelström démentiel aux allures de forteresse qui se dresse dans une nuit hivernale. Batterie métronomique et guitares bouillonnantes d'ondes négatives forment le substrat d'un édifice tentaculaire que perfore un chant hurlé et pollué cependant que les nappes synthétiques drapent le tout d'un suaire frissonnant (\"The Infinite Darkness Awaits\").
Massif et intense dans sa première partie, à l'image de \"Processional Across Dreamed Landscalpes\", l'album serre un peu le frein à main en fin de parcours, errant alors dans de sombres arcanes atmosphériques aux confins de l'Ambient et de la chapelle norvégienne. \"Awakened By The Spell Of The Wind\" et \"Interdimensional Passageway Between Worlds\" illustrent cette dimension quasi mythologique. A sa manière d'une grondante démesure, Battle Dagorath sait évoquer la noire majesté de ces montagnes du Grand Nord, ces reliefs éternels puissemment dressés vers les cieux.
Dommage que les Américains doivent toujours se contenter d'un modeste statut, malgré le patronnage de Vinterriket car ils méritent mieux. Troisième côté d'une cathédrale de roches froides et tranchantes, Cursed Storm Of Ages le confirme.