Auto-production, 2014
Post Black Metal, Suède
LP
L'oeuvre semble venir de nulle part, simple auto-production digitale (pour le moment) disponible sur la page Bandcamp d'un groupe sur lequel on ne sait presque rien si ce n'est qu'il a été formé récemment par des membres de WANING. C'est maigre.
Pourtant, est-ce son patronyme, ce Black Drop Effect qui a quelque chose de massif et d'intense ? Est-ce le nom de ce premier album, promesse de sonorités aussi froides que tranchantes ? Est-ce le visuel aux mélancoliques couleurs d'un Black Metal moderne ? Sans doute la combinaison de tout cela explique l'attirance magnétique qui se dégage de Injecting Pain qui fait partie de ces disques auxquels on ne peut échapper. Celui-ci est-il cependant à la hauteur des prometteurs signaux qu'il envoie ?
D'une certaine manière, la réponse tient en deux mots, ceux du titre éponyme, amorce puissamment obsédante dont les ambiances maladives vous hanteront longtemps encore après que l'écoute se soit achevée, creusant de malsains stigmates dans la chair autant que dans la mémoire. Vrillé par des riffs venimeux et entêtants, \"Injecting Pain\" déroule une trame lancinante, d'une glaciale beauté, sentinelle monumentale dont les cinq morceaux suivants semblent les foetus d'acier, en cela qu'ils partagent avec leur devancier un canevas démesuré identique d'une dizaine de minutes en moyenne et ces mêmes atmosphères d'une sombre froideur.
Si le rythme s'emballe parfois, propulsé par des blast furieux (\"The Hidden Realm\" ou \"Dead Eyes Staring Back\"), l'opus est surtout guidé par des lignes mid-tempo, vigies mortuaires perçant la brume à la façon du KATATONIA le plus inspiré, comme l'illustre le superbe \"The Waiting\" que sillonnent ces guitares empoisonnées d'un venin mélancolique, qui épandent un suaire aux teintes tristes.
Leur durée le leur permettant, ces compositions prennent leur temps pour démarrer, posant le cadre funeste de leur propos introspectif, plongée vertigineuse dans la psyché humaine, témoin notamment \"19th November\" qui ne démarre qu'avec une longue entame de plusieurs minutes au ton lourd et dramatique, prélude à un déchainement d'émotions noires et d'une violence tendue.
Malgré sa jeunesse, Black Drop Effect accouche d'un album d'une très grande maturité, bloc indivisible d'une belle unité de traits et pollué par des ambiances d'une frissonnante beauté. Fruit d'un side-project dont on espère qu'il n'en restera pas là, Injecting Pain mériterait un format (physique) à la hauteur de ses insolentes qualités, coup de maître plus que simple coup d'essai.