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Bran : Odch​á​zení

Signal Rex, 2022

Black Metal, République Tchèque

Album CD

Nouvelle recrue de l'écurie Signal Rex, Bran n'est pas portugais comme le label mais tchèque. Ce détail présente une importance car nul autre genre que le black metal (à l'exception du doom) se révèle aussi fortement conditionné par l'origine géographique de ceux qui le façonnent, répondant en cela à une forme de déterminisme auquel ils ne peuvent totalement échapper. De fait et sans surprise, Bran s'enracine dans ce terreau noir de l'Europe de l'Est, aussi épique qu'abrasif et ceint d'une froide mélancolie, évoquant des paysages rudes et poétiques que fige un rigoureux climat. Longues pièces et tempos encroûtés dans une lenteur obsédante irriguent un art noir où une froide dureté bataille avec une tristesse enfouie dans les replis d'une terre peuplée de mythes au goût de fer et de sang. On pense à Drudkh et à toute cette école ukrainienne davantage qu'à la chapelle polonaise ou hongroise par exemple, chacune ayant son identité propre, son approche du genre, ses nuances dans la noirceur, liées encore une fois à l'histoire comme à la géographie.

Première offrande de ce trio, Odcházení  constitue d'ailleurs une parfaite et belle illustration de ce black metal ancré dans toute une géographie, rocailleuse et forestière et chargée d'atmosphères. Ce qui ne l'exonère pas d'une force torrentueuse, ce dont témoigne notamment le morceau-titre qui galope à travers des paysages meurtris auxquels de fragiles arpèges confèrent une douceur empreinte de désespoir qui l'entraine dans une sente boisée, finalement plus sombre que folklorique. Bien sûr, d'aucuns argueront que ce galop d'essai n'invente rien, exhalant un air de déjà-entendu.

Certes mais reconnaissons que Bran fait montre d'une insolente maîtrise pour un jeune pousse. En quatre pièces, superbes de beauté et capables de nous transporter avec elles dans ces contrées d'Europe de l'Est à l'ambiance si particulière, les trois musiciens font mieux qu'esquisser un potentiel déjà grandiose qui leur dicte une écriture extrêmement travaillée à l'image d'un 'Tisíce hvězd' qui gravite le long d'une crête accidentée. Le groupe s'y entend pour inoculer des émotions à la fois douloureuses et entêtantes par le biais de guitares lancinantes mais affutées comme des scalpels labourant la peau, ce qu'illustre admirablement 'Skrytá Mista' dont les huit minutes résument à elle seules le pouvoir de fascination de ce metal noir épique et atmosphérique perçant un décor d'un romantisme crépusculaire.

Les Tchèques impressionnent par leur capacité à conjuguer au sein de compos sinueuses âpreté hivernale et majesté mélancolique, signant un coup d'essai aux allures de (presque) coup de maître et dont on suivra avec attention le parcours tant Odcházení creuse déjà dans la mémoire d'hypnotiques stigmates.

Childeric Thor - 8/10