La Horde Noire Webzine metal extrême depuis 2002

Brouillard : Brouillard

BROUILLARD - Brouillard

Distant Voices, 2013

Depressive Black Metal, France

CD

Si certains jamais contents ne manqueront pas de ricaner bêtement à la seule évocation du nom de ce (forcément) mystérieux projet, celui-ci ne rigole pourtant pas vraiment, entité tentaculaire palpitant d'un fluide ténébreux. Bien, mais Brouillard, qu'est-ce que c'est ? Il s'agit à la fois d'une âme solitaire qui se confond avec cette créature à laquelle il donne son nom, c'est aussi une offrande séminale, entrée brumeuse vers un univers dont on devine aisément la teneur : noire et dépressive cependant que le simple mot qui lui sert d'accroche suggère un enracinement dans la terre, froide et gorgée d'humidité, dans cette nature à la sombre poésie.

Rien de bien nouveau sous le soleil (noir) du Black metal dépressif chargé d'atmosphères bouillonnantes de négativité donc. Oui. Seulement le genre ne se mesure pas à l'aune de l'innovation à tout-prix, mais au contraire à sa capacité à exprimer, à capter une noirceur palpable, à ériger des paysages sonores trempés dans la souffrance la plus absolue. En cela, ce galop d'essai révèle d'incontestables qualités. Encore une fois, de mauvaises langues n'auront sans doute rien de mieux à faire que de le comparer à d'autres. A BORGNE peut-être, pour cette falaise rythmique syncopée et martelée qui se dresse dans une nuit éternelle et opaque. Pourquoi pas.

L'oeuvre mérite pourtant mieux que ce type de comparaisons faciles en cela qu'elle esquisse les traits d'un monde plus personnel qu'il n'y parait, lequel repose autant sur une architecture démesurée (entre 14 et 19 minutes), porte ouverte sur une nasse d'ambiances glaciales, que sur les motifs boisés que suinte une guitare acoustique. Composé de trois titres seulement dont la nature éponyme de leur nom participe d'une globalité aux contours flous, l'album s'ouvre sur le plus long d'entre eux, interminable pulsation que perforent des décharges de riffs mortifères. Vicié et saturé, le climat écrasant vous serre comme étau, que seule la décélération centrale annonçant une courte et contemplative remontée à la surface, viennent en altérer la furieuse brutalité.

Lui succède une plainte qu'amorce une lente introduction aux teintes osseuses, prélude à un déchainement de violence annoncée par l'élévation progressive d'accords grésillants. La suite prend l'allure d'un torrent de haine sur fond de batterie métronomique, à peine brisée par de fugaces notes acoustiques.

Puis c'est le temps de la dernière plainte. Passées quelques bribes de paroles, le tempo s'emballe très vite, propulsé par des riffs sécrétatoires d'une décrépitude infinie, puissante hampe gonflée d'une tristesse qui explose en un geyser aussi monumental qu'obsédant qui confine à une forme de transe saccadée. L'opus atteint lors de ce quart d'heure qu'on aimerait ne jamais voir mourir, son Everest en même qu'une beauté sombrement démentielle. Les mots manquent face à ces quatorze minutes qui justifient à elles seules la découverte de ce projet qu'on suivra de très très près.

Childeric Thor - 8/10