Sepulchral Productions, 2012
Black Metal patriotique, Canada
CD
Le Black Metal québécois est autant une affaire de famille que de valeurs. De famille tout d'abord car une évidente fraternité unit cette micro scène qui se structure depuis quelques années autour de deux labels aussi passionnants que passionnés, Sepulchral Productions et les Productions Hérétiques, lesquels hébergent la majorité des groupes dont les membres ne cessent de se croiser, de d'associer, le temps d'un projet commun (MISERERE LUMINIS, union éphémère entre GRIS et SOMBRES FORETS) ou en live (MONARQUE). De valeur enfin car c'est un même combustible, entre nationalisme, traditionnalisme et fierté des ancêtres et des combats de jadis qui nourrit l'ensemble de ces musiciens, auquel s'ajoute une exaltation de l'hiver canadien et la solitude qui l'accompagne.
Hydre à deux têtes, celles d'Athros (FORTERESSE et bien d'autres encore) et de Nordet (UR FALC'H, TEUTATES...), BRUME D'AUTOMNE incarne parfaitement l'esprit de cet art noir à la québécoise. Alors qu'il est là depuis le début, le projet s'est fait (trop) discret, n'enfantant qu'un unique méfait, Fiers et victorieux en 2005, le reste se limitant à deux maigres (pour la quantité s'entend) splits, reflet de ces liens de sang qui coule dans les veines de ces groupuscules, le premier avec TEUTATES, le second, avec FORTERESSE. C'est dire si nous attendions avec impatience cette deuxième offrande dont on espère que le nom éponyme sonne, peut-être, comme un nouveau départ.
Il est le théâtre d'un Black Metal bouillonant de haine, à la fois âpre et d'une dureté minérale, possèdant la rigueur de ces longs et lugubres hivers que le son dépouillé garanti première prise pare d'une brutalité tranchante. Là où FORTERESSE, le principal port d'attache d'Athros, exprime à travers une musique lancinante, bien que tout aussi sinistre, un sentiment de désolation extrême, BRUME D'AUTOMNE renoue avec l'urgence crue et épidermique du mal ancestral. Aux côtés d'un court instrumental (\"Traditionnel IV\"), étonnament positionné en seconde position, et du rampant \"Rouge Souvenir d'antant\", dont la qualité nous permet d'excuser le duo de nous le reservir (il figurait déjà au menu du split avec FORTERESSE), ce sont des saillies rapides comme des torrents en crue qui s'enchaînent à un rythme effrenné. Rudes et dissonnantes, elles raclent les chairs, laissant de profondes cicatrices tout en crachant un fiel patriotique cradingue. \"Tel des béliers\", \"Le lieu de la vengeance\" ou \"Quand les corbeaux cient leur haine\" arborent ainsi des traits sauvages dont aucun artifice ni volonté mélodique ne viennent jamais en atténuer la grésillante intensité.
Ni True ni Raw, mais pourtant un peu des deux à la fois, BRUME D'AUTOMNE demeure l'artisan d'un art noir authentique et sincère, sale et haineux, étendart sanglant entre les mains de musiciens en colère contre le conformisme et la mixité culturelle qui gangrènent une société de plus en plus cosmopolite. Ce n'est pas un chef-d'œuvre mais cet album sonne vrai.