Alchemic Sound Museum, 2012
Dark Ambient, France
CD
Un digipack aux atours minimalistes, des informations parcellaires qui vont à l'essentiel. Quand les balises auxquels on a l'habitude de s'(r)accrocher s'avèrent absentes, ne reste en définitive plus que la musique. Encore que parler de musique pour qualifier les travaux de Dedale(s) est une approche que ne partagera qu'une minorité, celle que n'effraient ni la Noise ni l'industrial Ambient soit les deux facettes d'une même pièce. Les autres, la majorité, peuvent passer leur chemin ; c'est préférable car ils n'y comprendront rien, incapables de débusquer le moindre intérêt, la moindre trace de beauté dans cette masse sonore grouillante. Les deux existent pourtant, vigies perçant ce brouillard chargées d'effluves noires, apocalyptiques, qui confinent à un cauchemar sans fin, immersion abyssale dans les profondeurs d'une âme tourmentée.
Artiste maison du label Alchemic Sound Museum, Dedale(s) a enfanté dans la douleur le successeur d' Endless Corridors . Catharsis douloureuse, Malkuth en porte les évidents stigmates, entailles mortifères d'une chair déjà meurtrie mais seul accouchement possible d'une oeuvre placée sous le signe de la folie et de l'emprisonnement sous toutes ses formes. Les trois membres de ce projet unique, Ruins, Adrien Mailler et Dolorism, (re)poussent à son paroxysme cet art de la douleur extrêmement personnel et introspectif. Ce n'est que bruits bourdonnants, samples à la frontière de la cacophonie, nappes sonores martiales.
Encore une fois, au risque de se répéter, ce genre de création se vit, se ressent plus qu'elle ne s'écoute. Une plongée émiettée dans son intimité infernale priverait forcément celui qui osera s'aventurer dans ce labyrinthe aux tentaculaires ramifications d'une bonne part de sa puissance émotionnelle. Des émotions écrites à l'encre noire, concassées, triturées, brisées, dont il ne reste au final qu'une pulsation effrayante, sans vie.
Bien que compartimenté en sept pistes distinctives, Malkuth se doit donc d'être appréhendé dans sa globalité douloureuse, comme une seule et même entité, laquelle n'est pas pour autant figée. Au contraire, elle semble suivre une trame, un dessein qui l'entraîne peu à peu vers l'indicible. De fait, si \"Incarnation\" et \"Slaughter Of Innocence\" dégagent suffisamment de motifs mélodiques (?) pour installer tout d'abord les sens dans un cocon presque confortable (en comparaison de ce qui suit), \"Shckhinah's Blccdbath\" entame une brutale descente aux confins de la démence la plus hallucinée, magma bruitiste qui se poursuit jusqu'à une mort programmée qu'incarne \"Call Of Rumble\", macération terminale pétrifiée par un souffle désincarné.
On se perd dans ce dédale dont la clé ne nous est pas fourni, happés par ce maelström perturbé d'images malsaines. Certains diront qu'il faut être masochistes pour apprécier cet album, il suffit en fait d'avoir subi souffrance et solitude pour cela...