Bitume Prods, 2025
Funeral Doom / Dark Ambient, France
Album CD
Davantage qu’un simple split, agrégat de titres sans liens entre eux, "Antiphona" se veut plutôt le fruit d’une collaboration entre Asmael Lebouc (Disjecta Membrae) et Guillaume Tiger, deux artistes connectés aux musiques les plus sombres et torturées. Le premier est associé à Abjvration, le second à Isothesis tandis que Funeralium, le projet parallèle de Funeral doom extrême de Marquis et Frédéric Patte-Brasseur (Ataraxie), les réunit.
Il y a d’ailleurs du Funeralium dans ‘Guttae Sanguinis Decurrentis Terram’, le segment conçu par Disjecta Membrae, de part ses vocalises hurlées, écorchées, arrachées de boyaux en décomposition, et ses ambiances de corridors rongés par la folie la plus contaminatrice. Chacun des deux protagonistes se fend d’une piste de près d’une vingt minutes, différentes mais complémentaires dans leur noirceur glaciale et abyssale. "Antiphona" est donc une création extrême dans la forme, bloc massif presque indivisible, que dans le fond, écartelé entre funeral doom le plus désincarné, black metal aliéné et dark ambient oppressant. Corolaire de cette abominable fusion des sons et des sens, sa défloration est peu engageante, son écoute, inconfortable sinon pénible.
Mais comme toujours avec ce genre de bandes-son aussi maladives que perturbantes, la magie (noire) finit par suinter peu à peu de ce magma halluciné par petites touches souterraines. Premier côté de cet édifice terrifiant, ‘Guttae Sanguinis Decurrentis Terram’ a quelque chose d’une lente et quasi immobile dérive le long de couloirs aux allures de galeries sillonnant sous la surface de la terre, dans les profondeurs d’une panse hystérique. De ce masse lacérée et engourdie qui semble mener nulle part s’impose avant tout le chant (?) du maître de cérémonie, cris effroyables et psalmodies incantatoires qu’il pose sur cet autel de décrépitude au centre duquel se répand, tentaculaire, ce rituel morbide qui confine à une forme de transe spirituelle dans sa force suppliciée. Extrêmes certes, ces plaintes possédées agissent néanmoins comme un phare auquel se raccrocher dans cette opacité hystérique.
Rien de tel dans ‘Deiclast, second versant où Guillaume Tiger déverse ses soundscapes, bruitages et miasmes sonores d’une froideur funèbre, sans jamais céder une once d’espace à des mélodies réduites à des lueurs à la fois grouillantes et fantomatiques en une déréliction cosmique dont la puissance autarcique rend vaine toute tentative de description minutieuse. Le dark ambient se vit, se ressent plus qu’il ne s’écoute. C’est précisément le cas de "Antiphona", œuvre enfantée à quatre mains qui forme un tout cohérent dans sa dimension aussi asphyxiante que philosophique.