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Fadheit : Inhaling The Trauma

Putrid Cult, 2020

Black Metal dépressif, Pologne

Album CD

Avec son logo où se détachent lame de rasoir et nœud coulant, sa pochette sinistre en noir et blanc dans l'esprit des premiers Forgotten Tomb et ses musiciens grimés comme des pandas qui font la gueule, Inhaling The Trauma appartient bel et bien au black metal dépressif dont il rumine tous les invariants. Le doute ne peut être permis. Pourtant, alors que ce premier rôt lâché par Fadheit n'augure donc rien de très original (ce n'est pas grave) ni de particulièrement excitant (ça pourrait l'être davantage), la bonne surprise est finalement au bout de la corde.

Les deux Polonais, Murukh (batterie) et Selbstmord (le reste), qui se sont rencontrés au sein de Odium Humai Generi, n'inventent certes rien mais ressassent avec une rare inspiration cet art noir suicidaire dont on pensait qu'il avait été pressé comme un citron au point de ne libérer désormais qu'un jus insipide à trop confondre dépression et misérabilisme. Une erreur que le duo ne commet pas, renouant au contraire avec ce feeling obsédant, cette science des atmosphères glaciales et maladives grâce auxquels Brave Murder Day de Katatonia ou Livets Ändhallplats de Shining s'abîmaient dans une nuit hivernale et sans fin. Avec le premier, Fadheit partage cette manière entêtante de faire sonner les guitares comme des vigies perçant la brume ('Nikt już nie przyjdzie') tandis que le second lui inspire une même folie corrosive ('2017 - jak każdy inny').

Ecorché, hurlé, voir hystérique, le chant de Selbstmord (qui d'ailleurs est, entre autres, le nom du défunt label de Niklas Kvarforth), participe de ce mal-être qui confine à la démence. Tout du long, Inhaling The Trauma nous pousse dans les corridors obscurs d'une vieille bâtisse abandonnée dont on devine qu'elle fut peut-être le théâtre de crimes atroces ou les murs derrières lesquels se délitait un asile psychiatrique. Chacune des dix plaintes composant ce premier effort se parcourt comme un récit, comme semblent le laisser croire certains de leurs titres ('XII 2018 - idziesz tam. Tak trzeba..', 'F13.2')  ainsi que la place qu'elles occupent au sein d'un menu dont la première partie, fiévreuse et incisive, cède le terrain à un dernier pan plus squelettique et morbide. Mais la plus grande qualité des Polonais et celle qui les élève bien au-dessus de la lie du black dépressif réside dans cette écriture imparable aux allures de venin inoculé dans les veines, à l'image de l'immense 'Euphoria Of Self-Destruction' qui sonne comme une profession de foi, donnant autant envie de se déboiter les cervicales que de se taillader la peau ! Avec toujours ce mélange de folie et d'amertume qui procure à ces ruminations cette morsure si particulière.

Fadheit redonne des couleurs noires, forcément noires, au black suicidaire et signe, selon l'expression consacrée, un coup d'essai aux allures de coup de maître. 

Childeric Thor - 7.5/10