Aesthetic Death, 2011
Doom Death Metal, France
CD
Fort d'une démo éponyme déjà impressionnante de maîtrise et de professionnalisme, Fatum Elisum n'a pas tardé à se faire remarquer, notamment par le label culte Aesthetic Records, qui a d'ailleurs réédité cet essai qui dévoilait un Doom Death granitique silloné de stigmates à la dimension religieuse extrêmement personnelle. Là réside, pour partie, la singularité de cette formation dont l'origine géographique commune - la ville de Rouen donc - aurait pu l'attirer dans le même caveau qu'ATARAXIE mais qui préfère développer un art de la souffrance, du martyr même, froid comme la roche en hiver, lequel doit beaucoup au chanteur EndE, auteur habité et féru aussi bien de littérature que de religion.
S'il bénéficie de plus de moyens, comme l'illustre le mastering confié au maître Greg Chandler (ESOTERIC) dans son antre, le Priory Recording Studios, Homo Nihilis conserve cette croûte sonore minérale dont l'authenticité ne l'exonère néanmoins en rien d'une puissance tellurique qui gronde depuis le coeur de la terre. De plus, comme cela fut le cas pour Fatum Elisum , le chant, particulièrement travaillé, été capturé à l'intérieur même d'une église, celle de Saint Romain de Cailly, méthode qui contribue à draper ces lignes vocales d'une profondeur inédite. Celles-ci sont la colonne vertébrales de (très) longues complaintes au rythme suffocant et pleurant un désespoir que l'on devine sans fin.
\"Pulvis et Umbra Sumus\", mis à part, l'album s'arc-boute autour de quatre blocs massifs qui ne descendent jamais en-dessous de la barre des quinze minutes. Rarement il nous aura été donné de pouvoir nous abîmer dans les arcanes d'une musique presque sacrée et que mine un sentiment d'inexorabilité absolue. Malgré de timides accélérations (les premières mesures de \"Homo Nihilis\", notamment), le tempo reste prisonnier à jamais d'un socle de plomb.
Pourtant, bien que d'un monolithisme qui les engourdit toutes entières, les figent dans la douleur, ces prières échappent toujours au piège de l'ennui car elles sécrètent des trésors de beauté, une beauté mélancolique certes mais bien réelle pour qui saura la ressentir. Les guitariste Hugo et Christophe sont alors les architectes de ces cathédrales d'émotions, telles que \"The Twilight Prophet\" où ils érigent des colonnes de tristesse. Il en va de même de \"East Of Eden\", marche funéraire infinie qui semble drainer toute la misère du monde.
Homo Nihilis est une oeuvre qui se mérite, qui ne se donne pas dès la première écoute, elle a quelque chose d'un interminable chemin de pénitence dont chaque titre est une étape vers un aboutissement dont on devine qu'il ne peut être que synonyme de néant. Il faut sans doute avoir souffert pour l'apprécier à sa juste valeur... Dans tous les cas, Fatum Elisum livre un album à la hauteur des espoirs succités par sa première démo dont il reprend les principaux caractères pour les façonner, leur donner plus de profondeur, plus d'âme également, tout en affirmant une identité aussi précieuse qu'attachante. Il ne lui reste plus qu'à progresser dans le domaine du live pour acquérir la même renommée que ses copains d'ATARAXIE.