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Fhail : Engraved Misery

Auto production, 2020

Black Metal, France

EP digital

Tout commence par des accords lugubres, maladifs, décharnés, qui sonnent comme une invite à pousser la porte d'un black metal d'obédience dépressive. Puis, on sent que les traits se durcissent et l'ambiance générale avec. Le climat se fait plus chargé, plus pollué. Impression confirmée par le brusque changement de ton instigué par des vocalises hurlées et un tempo qui s'emballe. D'un coup, le cadre connu de l'art noir aux couleurs suicidaires annoncé par les premières mesures, s'effondre, nos repères s'effritent. Nous voilà égarés dans un maelström corrosif où les étiquettes volent en éclat.

Tel est d'ailleurs l'ambition de Fhail dont on ne sait pas grand chose si ce n'est qu'une seule et unique âme tourmentée le commande. Black, Sludge, Hardcore et ambient sont passés au mixeur pour aboutir à un magma chaotique mais d'une manière peut-être trop affectée pour nous toucher comme il le devrait. Engraved Misery n'en demeure pas moins un premier jet extrêmement prometteur, la forme, plus travaillée qu'il n'y parait, le fond, dégorgeant un mal-être palpable que doublent des atmosphères fiévreuses et pourrissantes. Le fondu enchaîné liant 'Reminder' et 'Plebeian Threat' saillie déglinguée aux allures de viol auditif, témoigne de la radicalité souterraine qui gronde dans les entrailles de cet opuscule dont les vingt-cinq minutes ne freinent en rien sa tumultueuse richesse.

Si Engraved Misery évoque quelque chose d'éminemment massif et compact, chacune des cinq pistes qui le remplissent arbore une identité qui lui est propre sans rogner la cohérence de l'ensemble car toutes sont boulonnées à une place bien définie et qui ne peut être modulée. Ainsi, épicentre de l'écoute, 'Ecstatic Field' étend une traînée contemplative que voile une mélancolie pointilliste, manière de se (re)poser, d'avaler un rai de lumière aussi pale soit-il, avant de replonger dans les profondeurs d'une usine dont la forge martèle une ambiance désolée de fin du monde, élévation aussi sourde qu'hypnotique préparant à la conclusion, 'Farewell Limbos', ode terminale qui renoue avec la brutalité ferrugineuse de la première moitié et entraînant la mort de cet album sur une note sans concession.

Intriguant et malsain, fascinant et mortifère, Engraved Misery marque la naissance d'un projet évidemment prometteur qui en dévoile déjà beaucoup en si peu de temps, obole composite dans l'âtre de laquelle crament black metal sinistre, sludge écorché et ambient fantomatique. Affaire à suivre de très près donc...

Childeric Thor - 7/10