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Fraction : Europa

FRACTION - Europa

Alternative-S, 2006

Hardcore identitaire, France

CD

Fraction Hexagone : deux mots qui ne sont pas inconnus pour tous. Depuis 1994, ce groupe joue un rock identitaire qui a énervé plus d'un bien-pensant. Différent au fil des ans, notamment à cause d'un line-up très instable, mais toujours axé sur la radicalité, Fraction Hexagone est mort en 2004 après plusieurs galettes... pour revenir en 2006 sous le nom de Fraction tout court. En effet, la ligne politique avait un peu changé, car le groupe est passé du courant NR (national-révolutionnaire) à l'identitarisme européen. Exit le \"Hexagone\", donc. Au-delà du (petit) changement idéologique, c'est aussi la musique qui évolue. D'abord orienté rock punk dans \"Rejoins nos rangs\", Fraction était passé au metal hardcore avec quelques touches crades dans \"Le son d'Histoire\". Puis, un split avec un groupe allemand dans lequel Fraction se montrait déjà plus technique et moins punk. Le groupe est mort juste après et il est revenu en 2006 avec \"Europa\".
\"Fraction, fraction, toujours présent !\", clame le titre du même nom. Pourtant, il y a quelque chose de changé. La musique est plus policée, la ligne politique aussi. Exit le paganisme porté aux nues et les beuglements crades, voilà un CD plus calme, un peu soupe comparé à ce que le groupe faisait avant.

Mais c'est bon quand même ! La première appréhension passée, on se rend compte qu'on a entre les mains une bonne galette. Une très bonne, même. \"Trois compagnons\", \"Toujours présents\", \"La meute\"... Tout cela dégage le sentiment d'un travail acharné. Philippe, le chanteur, a enfin une vraie voix, intelligible et maîtrisée dans ses intonations (ce qui n'était pas vraiment le cas dans \"Le son d'Histoire\" !) ; le combo batterie/guitare est parfait, il y a même une guitare lead aux riffs polis qui tient un rôle à part entière, et non plus seulement de soutien... Pas de doute, Fraction a pris de la maturité. Il a vieilli, aussi. Davantage de subtilité, un côté proclamatoire toujours aussi prononcé, sans avoir besoin de la violence du hardcore pour ça.
Evolution notable : les lyrics des chansons ne sont plus ce qu'ils étaient ! Finie, l'époque faf-rebelle, tout est plus travaillé et on n'a plus droit aux chansons destroy et jouissives comme \"Une balle\", qui avait valu à Fraction un séjour au tribunal... Un peu trop policé. Peut-être plus modéré aussi, tout simplement. Les membres ne sont plus dans l'esprit groupusculaire, ils se veulent plus sérieux politiquement, plus posés et moins poseurs. Ce n'est pas une mauvaise chose. Fraction n'aurait pas pu reprendre ce qu'il était avant sans faire de l'auto-plagiat.
Et puis, chaque titre est bon. C'est moins hasardeux, plus carré. On écoute l'album avec sympathie comme on déguste un bon petit vin. \"La meute\" exalte la vie des loups, avec des lyrics fort bien écrits et un clavier discret ; \"Camarade\" reprend un poème de Brasillach, écrivain de génie et martyr, dans une interprétation toute simple qui a le mérite de bien le porter ; \"Korentin\" qui se termine sur un joli solo de lead...
Par regret, ou par désir de renouer un peu avec la radicalité d'antan, Fraction reprend aussi la chanson \"Nuits blanches\" qui est un véritable hymne du skinhead. Même si on n'y retrouve pas la spontanéité de l'original, elle se laisse écouter plus facilement. \"Années de plomb\" et ses accents core vaut aussi son pesant de drapeaux blancs et noirs.
Histoire de rigoler, je dirais tout de même qu'à vouloir ratisser large, Fraction se perd quelque peu : quand ils disent dans \"Korentin\" que les \"soldats de la bourgeoisie\" ont \"fait abjurer les bons pères et chasser la religion\", alors qu'ils critiquaient vertement la molesse rampante des monothéismes du désert six ans plus tôt, ça fait doucement rigoler. Mais bon, on ne va pas s'arrêter à un pareil point de détail.

\"Europa\" est carré, varié dans ses influences, très bien réalisé... et au fond toujours politiquement incorrect !
Profond sans être violent, déclamatoire sans être agressif, à mettre entre toutes les mains, y compris les nôtres. Les amateurs de metal y trouveront un album plus calme que ce qu'ils écoutent d'habitude, avec quelques titres hauts en couleur et un peu d'esprit méditerranéen malgré tout.
Dommage que le groupe ait définitivement splitté. \"Europa\" date de 2006, et même s'il n'a pas pris une ride, Fraction n'a rien sorti depuis. Une série de concerts et puis s'en vont. Venant du RIF, c'était prévisible : les musiciens sont des militants avant d'être des artistes, et malgré un résultat qui peut être très poussé, comme ici, ils finissent par oublier le chemin de la création pour retourner à leurs autocollants. Après tout, personne n'est parfait.

M.O.I. - 8/10