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Ggu:ll : Ex Est

Consouling Sounds, 2022

Doom / sludge, Pays- Bas

Album CD

Ggu:ll. Derrière ce nom étrange est tapie une des créatures les plus malfaisantes que la chapelle doom noircie à coup de sludge et de drone a vu naître dans ses fonds baptismaux. Et bien qu'ils se montrent avares de leur semence granitique, les Hollandais (violents) n'ont pas eu besoin de plus qu'une toute poignée d'hosties (une démo, un EP et enfin un premier album) pour saigner dans la chair et dans la mémoire de tout amateur éclairé de sonorités à la fois croûteuses et oppressantes, de durables et effroyables stigmates. Raison pour laquelle nous ne les avons pas oubliés alors qu'ils n'avaient rien ruminé depuis plus de six ans, une éternité pourtant.

Nous retrouvons donc nos Bataves tels qu'en eux-mêmes, bourrus, robustes, sombres et presque nihilistes dans leur noirceur minérale et désespérée tout ensemble. Digne successeur de Dwalling (2016), Ex Est s'apparente à un concentré de haine et d'inexorabilité. Ni lumière ni espérance ne filtrent à aucun moment de ce bloc de matière brut, austère dans sa force pesante, vicié dans sa lenteur glaciale. Les rares passages (un peu) plus atmosphériques, à l'instar de 'Stuip', ne suffisent pas à aérer cet album froid comme la roche en hiver. Que le groupe soit hollandais n'étonne pas car dans sa brutalité sèche et aride, il noue alors plus qu'un lien mais un véritable câble à haute tension avec le death doom des pères fondateurs Asphyx ou Bunkur ('Falter').

Le black metal n'est parfois pas loin non plus dans cette offrande punitive, notamment par le biais du chant du guitariste William Van Der Voot, qui n'a pas hurlé pour rien chez Dodecahedron. Il faut l'entendre vomir ses tripes souillées de ténèbres caverneuses ou exécuter de vertigineuses gorges profondes ('Samt al-ras')  pour mesurer la puissance d'excavation de ses vocalises aussi charbonneuses que malsaines  Les morsures de l'art noir le plus tourmenté, le plus torturé se lit par ailleurs dans cette partition tentaculaire et labyrinthique comme un dédale cyclopéen, témoin ce 'Enkel Achterland' pétrifié, englué dans une nocivité ferrugineuse au goût de rouille. Extraites d'une mine de charbon, les guitares résonnent comme de funestes coups de boutoir, taillant dans la terre gelé des boyaux lépreux que cette voix fielleuse plonge plus encore dans un charnier étouffant ('Hoisting Ruined Sails'). On ne sort pas indemnes d'un tel méfait qui meurt sur un 'Voertuig Der Verlorenen' définitif dans son âpreté suffocante dont les guitares aux allures de scalpels l'entrainent au bord de la rupture, au bord d'un gouffre sans fin, cratère béant capable d'aspirer le moindre petit souffle de vie.

Ex Est signifie la fin, titre approprié pour un album sans issue dont on n'imagine pas ce qui pourrait lui succéder tant il repousse les limites d'une noirceur brutale et tendue comme une turgescence rugueuse et corrompue.

Childeric Thor - 7.5/10