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Grey Widow : I

GREY WIDOW - I

Auto-production, 2014

Sludge Doom Metal, Royaume-Uni

CD

Déjà, il y a ce visuel, photo dépouillée en noir et blanc d'une forêt peuplée d'arbres décharnés entre lesquels un pale soleil tente de filtrer, faisant naître entre les troncs des ombres menaçantes. Cela pourrait être l'écrin d'un album de black metal mais cela n'en est pourtant pas. Bourru et d'une implacable précision, l'art que forge Grey Widow n'est pas simplement sombre, il se veut avant tout vicieux, âpre, rugueux. Presque pestilentiel, charriant une haine d'une froide brutalité.

Les Anglais macèrent dans la tourbe d'un Sludge puissamment organique. Affirmer que celui-ci est terrassant tient de l'euphémisme, c'est dire. Prétendre qu'il est malsain et survolté, également. Affreux, sale et méchant, peut-être bien aussi. Ni beauté ni lumière ne suintent de ce pavé minéral que l'on se prend en plein gueule sans crier gare. Et sans vaseline non plus. Alors qu'une fois la rondelle avalée dans la ténébreuse intimité de la chaine hi-fi, il était permis d'attendre une quelconque déambulation atmosphérique ou au moins une lente exposition, ce premier méfait fait fi des préliminaires de rigueur pour cracher ses tripes d'entrée de jeu avec rage et violence.

Que son menu soit divisé en huit pistes distinguées par une simple numérotation lui confère des allures de bloc indivisible, de masse lourdement enfoncée dans la terre. Vouloir l'émietter, ce serait le vider d'une bonne part de sa sève tant chaque titre semble presque se confondre, pulsations telluriques aux contours flous. Le chant est dégueulé, les guitares hurlent et le socle rythmique a quelque chose d'un bunker charbonneux dressé au milieu d'un champs désolé.

Une chape de plomb coulé dans une matière visqueuse s'abat pendant près d'une heure ne laissant qu'un terrain dévasté. Mais il y a toujours, tapi dans l'ombre, en filigrane, un désespoir sourd et énervé en même temps qu'une tension qui se répand comme des ondes sismiques à travers la surface de ces morceaux robustes, saillies viciées constamment au bord de la rupture. On ne sort pas indemne de cette écoute, lessivé, à genoux, ayant cherché, en vain, une lanterne, une pause auxquelles se raccrocher même fugitivement.

Sludge ferrugineux aux confins d'un Black survolté, on ne sait trop à l'arrivé si ce jet séminal de Grey Widow est réussi ou pas, n'étant finalement pas très sûr d'avoir tout bien compris. Peu importe du reste car l'intérêt de cet opus est ailleurs, dans ce torrent fielleux d'une laideur qui touche à l'admirable, dans cette explosion de riffs concassés, créature bouillonnante aussi indescriptible que malfaisante, aux pesants relents de mort, qui mérite plus que ces quelques mots mais une plongée dans ses sombres méandres...

Childeric Thor - 7/10