Signal Rex, 2022
Raw Black Metal, Equateur / Chili
Album CD
Non contents de collaborer déjà au sein de Winterstorm, Wampiric Strigoi et Lord Valtgryftåke mêlent à nouveau leur sang par le biais de Grymmstalt. A eux deux, ils cumulent un nombre incroyable de groupes : Wampiric Rites, Dungeon Steel ou Astral Forest pour le premier, 13th Temple, Ründgard ou Gryftigæn pour le second. Ils demeurent surtout les artisans d'un black metal décharné et evil, sinistre et primitif, qui erre parfois aux confins de l'ambient, toujours au bord d'un gouffre dépressif. S'il est permis de se demander à quoi cela peut leur servir de multiplier ainsi les projets et autres accouplements, le fait est que la magie (noire) opère à chaque fois. Car il existe bien un pouvoir d'envoûtement dans cet art noir lugubre frappé du sceau de l'orthodoxie la plus primaire et malsaine.
Fruit de cette alliance chilienne et équatorienne, Grymmstalt coche ainsi toutes les (bonnes) cases du raw black metal le plus pur dans son expression nocturne et forestière. Logo illisible, pochette en noir et blanc et faces de goules grimées et cloutées qui font la gueule nourrissent la vitrine habituelle propre au genre mais ça marche (encore). Le fond est à l'avenant, entre production volontairement dégueulasse dont le caractère lointain, presque étouffé, donne l'impression qu'elle a été captée dans les profondeurs d'une crypte, et pouls lancinant sinon répétitif qui confine à une forme de transe aussi macabre qu'hypnotique.
Néanmoins Anthems Of Mournful Despondency témoigne que cette nouvelle entité possède sa raison d'être par rapport à Winterstorm avec lequel elle partage certes cette même croûte sonore polluée mais s'en distingue justement par cette lenteur maladive voire quasi agonisante, laquelle évoque les fantômes de Burzum ou de Xasthur. En cinq longues processions d'une décrépitude engourdie, le duo rumine un metal noir suicidaire, presque mystique dans son désespoir inexorable, dans son refus de toute lumière, dans sa propension à étendre une brume funéraire, à racler une cosmogonie crépusculaire. Tout ici est une question d'ambiances dont les lèvres intimes sont écartées par ce chant hurlé qui perce la nuit, ces guitares figées dans un caveau et ce tempo qui parait ne jamais filer droit.
Inutile de détailler chacune de ces plaintes tant celles-ci sont évidées dans le même bois de ces légendaires églises brûlées, rituels aux contours flous, mélopées opaques qui mises bout à bout finissent à créer un unique râle misanthropique. On a la certitude d'avoir déjà écouté ça mille fois auparavant mais dans ces accords grêles ('Seelenangst'), dans cet engourdissement pétrifié ('Nachgiebigkeit') macère un mal-être absolu qui tient d'une forme de beauté obscure et ténébreuse ('Wehmut'). Comme toujours avec le raw black metal, Anthems Of Mournful Despondency ne s'explique pas, il se ressent, inoculant sa semence sinistre dans notre âme...