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Heir Corpse One : Caribbean Frights

Obelisk Polaris Productions, 2022

Death Metal baveux, Suède

EP CD

Affirmer que Rogga Johansson est un stakhanoviste tient quand même du doux euphémisme ! Nous avons rarement vu un musicien aussi productif que lui, multipliant les albums et les groupes comme d'autres les pains. Secoué par une diarrhée frénétique, ravagé de l'intérieur par une boulimie créatrice, il semble ne jamais se reposer comme s'il devait répondre à un besoin impérieux, celui d'enregistrer tout ce qui lui passe par la tête. Les rondelles et les collaborations plus ou moins durables se succèdent à un rythme qui, malgré l'âge du bonhomme (46 ans déjà !), paraît ne pas vouloir débander. Au risque de confondre tous les projets qu'il poisse de sa semence visqueuse, les différences entre chacun d'entre eux se révélant parfois (souvent ?) ténues.

Rogga, c'est le type qui monte un groupe dès qu'il a une nouvelle idée ou lorsque l'envie lui en prend de faire du bruit comme des potes. Il est comma ça le Suédois. Passionné, il ne dit jamais non. Le pur death metal à l'ancienne, sinistre et grumeleux, chevillé à son manche épais, l'homme est détenteur d'un style reconnaissable entre mille, surtout quand il assure le chant (qui sent évidemment bon les boyaux) en plus de la guitare, comme c'est le cas de Heir Corpse One, un de ses nombreux jouets. A ses côtés, il y a les copains qui tous ont déjà mêlé leur stupre caverneux au sien : Kjetil Lynchhaug (Paganizer, Johansson & Speckmann) la guitare lead, Peter Svensson (Furnace, Catacomb) à la basse et Marcus Rosenqvist (Battle Axis) derrière les fûts. Bref, une belle histoire d'amitié. Vu les lascars en présence, ni le style bétonné si la qualité affichée ne surprennent vraiment.

D'une certaine manière, il est nul besoin de poser une oreille sur Caribbean Frights pour deviner la matière qui s'en écoule : du metal de la mort old school avec beaucoup de zombies dedans. En vérité seul le degré de mélodie distingue chaque groupe auquel Rogga participe avec sa grosse patte. Sur cette échelle mélodique, Heir Corpse One se situe dans la bonne moyenne, accrocheur et remuant. Etonnamment, malgré une inspiration qui puise dans les films de cannibales italiens des années 80, les Antropophagous (Joe d'Amato) et autre Avion de l'apocalypse (Umberto Lenzi), Fly The Fiendish Skies (le premier du groupe) et Caribbean Frights pataugent moins dans la barbaque avariée que prévu.

Petite bestiole d'une quinzaine de minutes, celui-ci crache une petite poignée de titres qui donnent furieusement envie de secouer la tête et de taper du pied, emportés par ces guitares accordées plus bas que terre et ces borborygmes d'outre-chiotte. En trois minutes, le quatuor balance la sauce, granuleuse et ensanglantée, poisseuse et quasi rock'n'roll ('Dwellers Beneath The Sand'). Mais c'est quand ils serrent le frein à main, pour fouiller une fente morbide que les Suédois dressent alors une turgescence plus pesante et  implacable encore, témoins un  'Thunderground' qu'écartèlent de lourdes crevasses et plus encore le terminal 'A South Sea Burial', sorte d'outro que le chant hyper caverneux de Johansson couplé à une rythmique funèbre et une guitares croûteuse enfoncent dans la vase d'un death doom macabre.

Ni particulièrement original ni encore moins ambitieux mais fichtrement efficace, Caribbean Frights livre donc un pur morceau de death metal à la Rogga Johansson. Les amateurs du genre ne sauraient donc être déçus !

Childeric Thor - 7/10