Chabane's Records, 2009
Post-rock, France
CD ou téléchargement gratuit
Groupe quasi-inconnu de la scène serbe (pour nous autres hexagonaux, c'est quasiment un pléonasme), Jewy Sabatay sort un album éponyme, qui n'est autre que son troisième CD full-lenght. L'album, sorti sur Chabane's Records, a tout pour plaire : prix très abordable, label non-commercial, livret relativement sobre. D'après le Chabane's, il s'agit d'un chef-d'oeuvre. On peut ordinairement se méfier de ce genre de descriptions pleines d'emphases, plus faites pour appâter le chaland que pour fournir une véritable critique esthétique, mais Chabane's n'est pas un label commercial et l'album tout entier est téléchargeable gratuitement.
Jewy Sabatay joue du post-rock : basse très audible, peu de guitares sursaturées, chants clairs. Pourtant, l'esprit metal est on ne peut plus vivant dans cet album, tant chaque titre transpire la noirceur et la mélancolie. Les compositions alternent et varient, parfois au sein d'un même morceau : on entend un solo de basse, mis en avant par une batterie lente et en même temps très dense... Le moment pourrait être aérien, mais il serait plutôt du genre à planer dans la fumée, et on n'a pas de mal à s'imaginer placé sous un cône de lumière blanche, sur un trottoir obscur ; puis vient la guitare, avec un ronflement puissant, et un refrain qui reprend ; juste après, elle est remplacée par une guitare non-rythmique, au son plus aigü, plus régulier, mais pas moins mélancolique... tout cela sans la moindre fausse note entre les différents moments musicaux.
Partout, la noirceur est à couper au couteau. Velibor, le chanteur, éclaire brièvement les ténèbres d'une voix claire et langoureuse. Et on y retourne ! Citons aussi les différents solos (violoncelle au troisième titre, lead aux quatrième et cinquième titres), qui nous font agréablement voyager dans l'univers de JS.
Compositions inspirées, batterie diversifiée (ce qui n'est pas évident puisque les tempos sont plus ou moins toujours les mêmes), l'album a tout pour plaire. Même moi, qui suis habituellement rétif au post-rock, je ne regrette pas de m'être laissé tenter. Paradoxalement, l'ensemble est à la fois dense et léger, au fond très subtil, et nécessite plusieurs écoutes pour bien tout saisir.
Alors, tient-on vraiment un chef d'oeuvre ? L'expression est, à mon avis, un peu exagérée. Cependant, nul doute que cet album est très abouti et constitue le résultat d'un long travail, d'autant plus admirable que le résultat n'est pas vraiment joyeux.
Attention tout de même : si vous l'écoutez plusieurs fois de suite, vous aurez l'impression de vous liquéfier sur votre chaise... Vous êtes prévenu !