Ahdistuksen Aihio Productions, 2013
Ambient liturgique, Finlande
CD
Il y a pour commencer cet étonnant visuel dont l'épure annonce un univers qu'on devine singulier, simple chaise qui se détache sur un fond d'une blancheur neigeuse, laquelle il manque un pied, créant un curieux déséquilibre contré par la présence d'une oiseau posé sur son sommet. De fait, ceux qui s'attendent de la part de Resitaali, un opus de pur black metal fiévreux, dans le sillage de Resignaatio, son devancier, en seront pour leur frais.
Album que ne pollue aucune ligne vocale, il s'agit d'une oeuvre qui se situe - à priori - à des années-lumière de l'art noir, ensemble de quatre pistes que seule leur numérotation distingue les unes des autres et que hantent des sonorités d'une sombre et minimaliste liturgie. Épuré d'un visuel, épure encore d'une musique hypnotique vierge d'instruments électriques ou rythmiques sans pour autant être acoustique, épure toujours d'ambiances fantomatiques qui peu à peu coagulent et vous engourdissent, confinant à l'abandon, à la résignation.
Plus proche d'une cérémonie dark ambient, le disque a la particularité de ne résonner qu'aux sons d'un harmonium hanté, présence qui commande une évidente dimension religieuse. En égrenant une atmosphère propice au recueillement, cet instrument impose aussi une solitude douloureuse, une tristesse absolue, sentiments tout d'abord diffus qui peu à peu se réveillent, s'élèvent, plongeant tout doucement Resitaali dans une inexorabilité catatonique lors de ses dix dernières minutes. Cette langueur hivernale pourrait être ennuyeuse, lassante, on finit pourtant par être envoûté par ces plaintes répétitives qui exsudent des perles d'émotions mélancoliques. Leur écoute nous évoquent les déambulations solitaires bordées par des paysages figés par le froid. Qu'il est bien difficile de ne pas être touché, ému par ces notes qui s'étirent à l'infini en un voile brumeux.
A des années-lumière du black metal peut-être, ceci étant, cette seconde offrande étonne-t-elle vraiment de la part des Finlandais dont les créations se sont toujours affranchies du credo noir attendu ? Jumalhämärä aime à surprendre, à louvoyer pour atterrir là où on ne l'attend pas. En cela, Resitaali a toute sa place au sein d'une discographie peu aisée à cerner, à laquelle sa noirceur l'arrime enfin d'une manière évidente, de même que son aura religieuse dont ses prédécesseurs n'étaient pas dépourvus, à commencer par Resignaatio. Simple parenthèse ou marqueur d'une profonde évolution, l'oeuvre n'en est pas moins remarquable pour qui saura capter sa sourde beauté...