Bitume Prods, 2023
Finnish Funeral Doom, France
Album CD
Les apparences sont parfois trompeuses. Ainsi malgré son nom qui évoque la dépression saisonnière qui frappe les Finlandais durant les périodes de l'année où le soleil ne se montre presque pas, Kaamosmasennus n'est pas originaire du pays des mille lacs. Il s'agit en vérité du projet d'un musicien français (!), Julien J. Neuville, qui a consacré sa thèse universitaire au funeral doom finlandais (!!). Parallèlement, il a cherché à capter à son tour ce qui fait la particularité et le charme unique de cette véritable AOC doloriste. Il existe en effet une poésie à la fois belle et sinistre, majestueuse et blafarde qui n'appartient définitivement qu'à des groupes comme Yearning ou Shape Of Despair pour ne citer que deux exemples parmi de nombreux autres. Une pochette où se détache sur un ciel boréal la cime des arbres suffit déjà à évoquer ces paysages sonores engourdis par un hiver éternel.
Gravé entre 2018 et 2022, Le jour ne se lève plus porte évidemment bien son nom, déambulation mélancolique et rêveuse à travers la désolation hivernale typique de ces terres septentrionales. Unique maître des lieux, Julien assure tous les instruments, ce qui confère à ce premier album une bonne part de son authenticité en même temps qu'une forme de noblesse artisanale mieux à même de saisir la beauté de ce doom atmosphérique qu'une technicité pointue mais sans âme. Car le funeral doom death finlandais, plus que tout autre (sous) genre, reste avant tout une question de sensation, de ressenti, selon la capacité de chacun à être touché par cette langueur dépressive.
La durée de ces plaintes quasi immobiles qui toutes voisinent plus ou mois avec les dix minutes au garrot, aide à installer les esprits solitaires dans l'ambiance requise. Voix caverneuses, guitare entêtantes qui agit comme une pale lanterne perçant la brume et tapis de claviers forestiers participent également à ce lent voyage au coeur de la dépression finlandaise. Mais en spécialiste avisé du genre, le musicien sait que le doom du pays des mille lacs n'est pas que noirceur suicidaire même si les créations matricielles de Thergothon, Skepticism ou du Shape Of Despair originel étaient capables d'avaler toute trace de lumière et de soleil. Des touches presque folkloriques jonchent parfois ces compositions qui jamais ne s'abîment totalement dans le spleen hivernal. De fait, plus que la noirceur glaciale, Kaamosmasennus insiste sur la beauté poétique qui se dégage autant de cette musique désolée que de ces paysages du Grand Nord. Ce faisant, il est parvenu à matérialiser cette atmosphère propre au funeral doom finlandais comme s'il était né là-bas.
Le jour ne se lève plus n'est pas qu'un exercice de style, fort réussi au demeurant mais une véritable lettre d'amour à un style aussi unique que précieux.