Auto production, 2021
Black Metal, France
Demo Tape
A travers Mortem Animalium, c'est tout l'esprit du black metal des caveaux qui résonne. Bonne vieille démo tape dupliquée à la maison, musiciens à l'identité camouflée et énigmatique... Seulement savons-nous qu'ils sont deux à se partager la tâche, l'un assurant guitare et basse, l'autre, le chant et la batterie. Mais avons-nous vraiment besoin d'en connaître davantage ? Non, car outre le fait que par cette économie de moyens et d'informations, les Français cultivent ce goût pour l'obscurité cryptique, l'essentiel se trouve évidemment ailleurs, niché dans les sinuosités de ce premier signe de mort (plutôt que de vie), autel d'un art noir moins orthodoxe que ce que sa vitrine affiche.
Certes, la prise de son, lointaine et crachoteuse, est garantie 100% artisanale, transpirant aussi bien l'authenticité que la nuit et ses démons. Mais la durée - entre sept et douze minutes environ - des trois pistes qui s'étalent dans nos âmes ravagées, trahit une approche finalement assez peu frontale, moins rude que son enrobage sonore. Cette architecture étirée révèle-t-elle la nature du black metal que tricote Mortem Animalium ? Oui mais faussement. De fait, ceux qui, attirés par ces compositions rampantes, s'attendent peut-être à découper dans cette démo la lame pour se charcuter la peau, en seront pour leur frais. Le duo ne creuse pas les veines d'un metal noir dépressif même si, forcément, toute trace de joie sinon d'espoir en est éconduite cependant que le chant, écorché, hurlé, peut évoquer l'hystérie ténébreuse des Bethlehem et autre Deinonychus.
Mais à la vérité, il semble difficile d'apposer une étiquette sur cette ébauche dont le menu serpente dans des arcanes dissonantes, baignent dans une lancinance déglinguée. Le tempo ne file jamais droit, propice à des éruptions de bile fielleuse, la guitare, rongée par une lèpre sournoise, se faufile dans les couloirs d'un dédale dont on ne voit jamais la fin, à l'image du titre éponyme qui ferme le ban en tissant des instants funèbres et mortifères au-dessus d'un gouffre sans fond. De même, 'Bas-Monde' ne suit pas le chemin que semble lui promettre une entame torrentueuse car érodé par des kystes mélancoliques et une fin de parcours qui serre brutalement le frein à main pour forer dans la roche un abîme pétrifié aux confins d'un rituel pulsatif. Quant à '...', les pointillés de son titre suggère une trame inachevée, toute aussi insaisissable, relief meurtri qui cure les profondeurs et égare dans ses méandres aussi indicibles que convulsives.
Frénétique et reptilienne mais tout du long ankylosée par une négativité souterraine, cette démo séminale déflore le potentiel précieux de Mortem Animalium dont le suc noir et maladif promet assurément une suite foisonnante, accouplant une expression torturée et tortueuse à une allégeance à l'esprit DIY des origines.