World Eater Records, 2025
Death Doom, France
Album CD
Vous l’aimez comment, votre metal de la mort ? Technique, bourrin, supersonique ou bien baveux ? Avec un tel nom, on se doute bien que Mortuaire correspond à la dernière catégorie. Chant régurgité dans les profondeurs d’une mine de charbon, accordage plus bas que terre, tempo digne d’une limace shooté au Valium par boîte de 12, définissent un death old school biberonné au jus suédois des Entombed, Grave et autre Dismember. Donc à la lisère du doom et salopé par une louche sévère de hardcore poisseux. Rien d’étonnant à l’horizon.
Si surprise il y a, elle est à chercher du côté du groupe en lui-même dont les membres, qui ne sont pas des puceaux, braconnent ici sur des terres fétides à priori bien éloignées de leur univers habituel. Year Of No Light, The Great Old Ones, Endless Flood ou Âge | Total les rattachent ainsi plutôt au post metal voire au black dans sa dimension évolutive. Mais les guitaristes Stéphane Miollan et Shiran Kaïdine ainsi que le batteur Benjamin Sablon ont tous les trois joué dans Monarch dont on retrouve un peu quelque chose dans la lourdeur charbonneuse et les miasmes noise pelletées par Mortuaire (‘Octogone de fer’), tandis que le chanteur Heddy a participé à la formation de sludge/hardcore Arms Of Ra.
Dans tous les cas, les mecs ont du métier et s’emparent du death doom (ou l’inverse) comme s’ils avaient depuis toujours le genre chevillé au corps, à l’image d’un coup de boutoir tel que ‘Tranchant’ aux épais et autoritaires remugles de Bolt Thrower et que perforent de cendreuses crevasses. Les textes en français, pas si fréquent dans le death hexagonal, ajoutent un charme sinistre à l’ensemble et permettent mieux cerner le propos et l’identité d’un groupe qui transpire une urgence macabre dont l’(in)humanité actuelle forme le carburant, comme le résume parfaitement le titre de l’album.
De sorte que, si Mortuaire respecte à la lettre les codes du genre, il se les approprie pour les couler dans un baquet suffocant plus personnel au fond duquel macèrent divers lambeaux. Le chant, tour à tour grumeleux ou clair (‘Pyramide d’or’) voire même contestataire (‘Mauvais présage’), la lente déréliction abyssale et presque chaotique qui achève l’éponyme ‘Monde vide’, l’architecture parfois tordue des compos et même ces guitares au bord de la rupture, rongées par la rouille, dévoilent un groupe qui ne se contente ainsi pas de ruminer du death à l’ancienne mais s’en sert comme d’un terreau funèbre propice à interroger la société et dépeindre un monde actuel dans ses maux et ses dérives.
Après un EP séminal il y a trois ans, Mortuaire confirme avec ce premier long un potentiel et une personnalité bien réelle.