World Terror Committee Productions, 2022
Black Metal, Suède
Album CD
Pour faire simple, il existe d'une certaine manière deux écoles au sein du black metal suédois sans que la frontière entre les deux demeure totalement imperméable, bien au contraire. La première, qui l'est aussi chronologiquement d'ailleurs, met l'accent sur la rapidité, sur une brutalité millimétrée. C'est celle du Marduk des années 90, de Dark Funeral ou de Setherial. La seconde, quant à elle, insiste davantage sur le visage sinistre et morbide que le genre aime cultiver. Ondskapt, Shining, Craft ou Valkyrja incarnent cette voie que ne déserte toutefois pas une malsaine agressivité.
S'il porte le nom de l'actuel chanteur de Marduk, Mortuus appartient à la deuxième catégorie. D'ailleurs, ses deux uniques membres ont croisé la route de Ondskapt, ce qui ne doit rien au hasard puisque qu'ils partagent cette même appétence pour la décrépitude et les ambiances funèbres. Malgré d'évidentes qualités que nous détaillerons plus loin, le duo végète toujours dans une certaine confidentialité alors même qu'il affiche près de vingt ans au compteur ! Une carrière hésitante où les longs silences l'emportent sur les offrandes (trois seulement en comptant celle qui nous intéresse et auxquelles se greffent quelques miettes) et un deuxième méfait (Grape Of The Wine) en demi teinte car n'allant pas au bout de la noirceur léthargique annoncée quoique généreuse en riffs pollués, expliquent cette aura somme toute encore (trop) modeste. Survenant quatre ans après un maigre 7' split associé à Serpent Noir, Diablerie va-t-il changer les choses pour les Suédois ?
Autant l'affirmer de suite, Mortuus a enfin corrigé ses relatives faiblesses, accouchant de l'ode lugubre et diabolique attendue depuis si longtemps. Premier indice qui ne trompe pas, la durée des incantations s'est agréablement (façon de parler) étirée, voisinant désormais toutes ou presque autour des dix minutes. Ce format dilaté ouvre pour les Suédois l'espace nécessaire pour tisser des atmosphères rampantes de boyaux désolés. Corollaire d'une architecture plus démesurée, le nombre de pistes a quant à lui été réduit. Ce troisième album n'en offre que quatre mais chacune d'entre elles crépite d'une sève noire, processions immersives presque contemplatives dans leur expression reptilienne d'une malfaisance nocturne. Sournois, le groupe prend ainsi tout son temps pour creuser dans la chair et dans l'âme de vicieux sillons.
Polluées et maladives, les guitares possèdent toujours ce quelque chose de scalpel rouillé ('Furnace Of Sleep') tandis que le chant se pare d'une profondeur déclamatoire ('In Graves Remote Even The Worthless Have A Meaning'), intercesseur entre le monde des hommes et les ténèbres. Diablerie porte donc bien son nom, œuvre chargée d'émanations occultes qui se répandent comme une peste noire. Tout du long, Mortuus nous donne à ressentir la morsure glaciale et funèbre de cet art des abîmes. Abîmes d'émotions mortifères. Abîmes d'effluves cryptiques que la lumière n'atteint jamais. La nuit et les démons qui l'accompagnent envahissent peu à peu une écoute placée sous le signe d'une noirceur sentencieuse qu'épandent ces riffs perfides en un rituel obscur et séculaire.
Sans sacrifier les mélodies qui l'exonèrent toujours d'une forme de radicalité dans sa lenteur malsaine et décrépie, Mortuus enfante avec Diablerie d'un gemme vertigineux dont les pulsions hypnotiques se conjuguent à des ambiances véritablement... diaboliques !