Signal Rex, 2022
Funeral Black Doom, Norvège
Split CD
Il y a un an environ Nathr exhalait son premier souffle de mort, errance macabre d’une vingtaine de minutes à travers les replis brumeux d’un funeral black doom minéral et fantomatique tout ensemble. A ce EP séminal, le trio norvégien incarné par des membres de Funeral Harvest offre aujourd’hui un successeur. Il ne s’agit pas encore d’un véritable album longue durée mais d’un split scellé avec Ordo Cultum Serpentis, alliance évidemment funèbre propice à avaler toute trace de lumière, à libérer un râle mortifère capable de congeler sur place le pèlerin qui oserait se laisser endolorir par son sinistre venin.
Edité en CD et en cassette par Signal Rex, Shadows Crawl affiche deux processions pour plus d’une demi-heure de sonorités engourdies par le froid et la nuit. Bon, autant l’avouer de suite, l’offrande mérite surtout d’être pénétrée pour la contribution des Scandinaves qui font plus que transformer l’essai en accouchant d’une plainte de presque vingt minutes au compteur ! Nonobstant les immenses et prometteuses qualités qui s’écoulaient de sa glaciale et rocailleuse intimité, Beinahruga était bâti sur des compositions dont le format semblait étriqué, rognant quelque peu la puissance tellurique d’une logorrhée funéraire réclamant plus d’espace pour étirer sa toile. Avec ‘The Burial’, Nathr donne enfin libre court à toute sa force souterraine, tricotant une cérémonie quasiment immobile, happée par le néant et qui paraît ne jamais vouloir s’achever. Le groupe repousse les limites d’une lenteur aussi suffocante que funèbre.
Après le son du glas, plusieurs minutes s’égrènent, osseuses et hantées, lugubres et gelés, évoquant la chapelle finlandaise du funeral doom, celle de Skepticism ou de Tyranny. Ensuite une voix spectrale finit par percer le brouillard, néanmoins vite absorbée par cette nasse cotonneuse d’où résonnent les accords grêles d’une guitare désolée. Il faut attendre d’être à mi-chemin de cette inexorable marche à travers les limbes pour voir ‘The Burial’ prendre corps, s’épaissir. Aux nappes liturgiques se greffent un chant caverneux venu des arcanes de la terre, des riffs pollués aux allures de squelettiques faisceaux tandis que toutes velléités rythmiques semblent avorter. Rien que pour ce rituel creusé dans la roche froide de paysages pétrifiés par une mort hivernale, Shadows Crawl se révèle indispensable.
Montage mexicano-coréen, Ordo Cultum Serpentis remplit la seconde moitié de l’écoute avec un ‘Fillii Serpentis Nigri’ moins envoûtant car plus malsain dans son expression macabre. Moins doom, plus black à la manière d’un Abruptum. Ce quart d’heure effroyable, qui hurle et grince, ne file jamais droit, longtemps ankylosé avant de voir son tempo s’emballer lors d’une dernière partie chaotique et ferrugineuse qui a quelque chose d’un gouffre infernal, crevasse ténébreuse au fond de laquelle infuse une malignité bruitiste et cadavérique.
Niché dans les profondeurs d’un caveau brumeux, Shadows Crawl est un abîme gorgé de ténèbres que domine un Nathr qui confirme tous les mornes et suicidaires espoirs placés en lui.