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Neraeon : N.H.S.H.

Asgard Hass Productions, 2017

Black Metal, France

Album CD

N.H.S.H., c'est sous le sceau de ces quatre lettres assemblées mystérieusement que vient s'offrir à nous Neraeon, nouveau vassal d'un art noir hexagonal plus que jamais bouillonnant d'un stupre créateur. Signée chez Asgard Hass Productions, la bête adopte la forme d'une hydre à deux têtes, celles des anciens Crystalium, Kra Cillag, par ailleurs actuel vocaliste de Pavillon Rouge et Ksg, chacun se partageant tous les instruments. Ceux qui espèrent croiser dans cette hostie séminale la fureur autoritaire, la négativité haineuse qui pulsaient dans les veines des inégalés De Aeternitate Commando et Diktat Omega en seront cependant pour leur frais car c'est un black metal de prime abord plus orthodoxe qui écarte ici les lèvres béantes de sa ténébreuse intimité.

De loin seulement car de près, la réalité se révèle plus nuancée, empruntant des chemins de traverse. Au moins le pedigree de ses géniteurs assure à cette offrande, outre une incontestable sincérité doublée d'une habileté ad hoc, une cohérence dans son expression froide et séculaire d'un mal tapi dans les replis de l'âme depuis le fond des âges. S'il s'inscrit dans la glaciale tradition épique et funèbre des années 90, on devine pourtant chez Neraeon le refus d'être inféodé à une lecture passéiste du genre. N.H.S.H.  est un album aux dimensions et strates multiples, plus complexe qu'il n'y parait. La durée dilatée de ses pistes qui oscillent entre sept et quatorze minutes au garrot, lui offre l'espace pour bourgeonner à l'envie, prendre son temps pour dérouler ses racines sous la terre figée par l'hiver de paysages abrupts noircis par le désespoir, témoin Un signe clair de puissance sans discussion, pièce d'orfèvrerie aux allures de dédale tumultueux qui n'est pas exempte d'une sourde beauté.

Grésillantes et polluées, les guitares étirent une toile lancinante que recouvre un chant heurté craché depuis les profondeurs d'un gouffre méphitique dont Memento Audere Semper se révèle être le cénotaphe le plus abouti. Foudroyantes et malsaines, les lignes vocales forment le scalpel d'une poésie macabre dont on goûte brutalement les troubles sécrétions. Tout du long riche de ses nombreuses nuances, l'opus se voit travaillé de l'intérieur par une ambivalence obscure. Tantôt mélodique ou sinistre mais toujours puissamment organique et évocateur, il pénètre dans nos veines à la manière d'un poison vicieux. Par le biais de plaintes douloureusement lancinantes, que sabrent parfois de fulgurants blitzkriegs (Perdre le jour), il nous convoque pour un périple cyclopéen à travers un monde ténébreux qui nous égarent au fil d'une funèbre défloration.

N.H.S.H. compte parmi ces oeuvres qui offre ses trésors intimes par petites touches pointillistes, imposant à celui qu'il la visite de nombreux va-et-vient. Il est comme un tertre gigantesque dont la forme nous échappe tout d'abord avant de livrer ses secrets et ses richesses une fois qu'on l'a appréhendé dans son immersive globalité.

Childeric Thor - 8/10