Obscure Abhorrence Productions, 2021
Black Ambient, France
Album CD
Les caveaux de l’underground, français au cas particulier, fourmillent de groupes et projets dont la valeur est inversement proportionnelle à leur exposition. Nostra Dementia fait donc partie de ces créatures obscures tapies dans les ténèbres et que nous n’imaginons de toute façon pas proliférer en pleine lumière, même si le vénérable Obscure Abhorrence Productions a le bon goût d’exposer Spectral Songs From Vehemence, son offrande séminale.
Mais l’esprit underground est bien là, autant dans la forme que dans le fond. La première se confond avec l’unique membre aux commandes, le visage masqué et un simple nom comme identité. Il semble toutefois que Yhaill ne soit pas un puceau car dans une autre vie, il fut le guitariste de Putrescence, un de ces multiples petits groupes que le death metal encore vert a essaimé au début des années 90 sans jamais, malheureusement franchir le stade de la démo. Etonnamment, nous croisons donc le chemin du musicien trente ans après ces balbutiements baveux. Comment a-t-il occupé son temps depuis In Tenebris (1993) ? Nous l’ignorons. Son retour confirme au moins qu’il a toujours l’underground chevillé au corps, troquant le death metal pour son (plus ou moins) lointain cousin, le metal noir. Ce qui nous conduit au fond. Sa nature solitaire dicte évidemment à Nostra Dementia une expression à la fois authentique et minimaliste à laquelle se prête une appétence pour l’ambient et pour une sève funèbre.
Premier album de ce one-man band peut-être, Spectral Songs From Vehemence recycle en fait le menu de Vestiges…, démo datée de 2016 que mitent des plages (dark) ambient aussi fantomatiques et sépulcrales rajoutées pour l’occasion. Ces pistes qui exhalent des miasmes oppressants et des atmosphères hantées de sombres bâtisses gothiques (‘Nebulosa Part III’) annoncent-elles la voie que Yhaill suivra à l’avenir ? On le souhaite tant c’est dans leur intimité spectrale que se niche une bonne partie du précieux suc de cet album qui ne souffre cependant pas de son double visage, agrégat de titres aux coutures purement black metal, orthodoxe et mécanique, et de nappes électroniques froides qui résonnent à la manière d’un écho funèbre qui n'est pas sans évoquer le Burzum carcéral ('Nebulosa Part I').
Ce galop d'essai est certainement trop long et aurait mérité quelques coups de ciseaux mais au moins son unique maître des lieux prend-t-il le temps d'installer un climat dépressif voire fantasmagorique. Il s'y entend d'ailleurs pour fouiller les ténèbres à coups de riffs obsédants que soulignent toujours ce pinceau ambient à l'image de ce 'Personal Fall' sinistre et néanmoins toujours pollué par des mélodies entêtantes. Chant écorché et riffs aux allures de lanterne perçant la brume ('Underdead') étirent le suaire macabre d'un black metal palpitant de pulsions suicidaires, à la fois contemplatif dans sa noirceur ténébreuse et aride dans son lustre maladif et puisant son âme et sa noblesse dans cet écrin artisanal plus squelettique que maladroit.
Ainsi, Spectral Songs From Vehemence se nourrit de son essence underground revendiquée qui se veut une profession de foi, premier véritable signe de mort d'une entité insaisissable, à la fois old school et pourtant singulière dans son expression morbide.