Auto-production, 2018
Folk Doom Black Metal, Tunisie
LP Digital
Si loin, si proche. Alors que seule la mer Méditerranée nous sépare du Maghreb, les groupes qui en sont originaires semblent venir des antipodes tant une frontière tant géographique que culturelle leur barre le passage, les empêchant de se développer et de s'exporter comme il le mériterait. Dans le sillage des révolutions du Printemps arabe, les temps auraient pu changer, or il n'en est rien. Pis, la situation économique d'un pays comme la Tunisie s'est au contraire dégradée. Raison de plus pour soutenir les rares projets qui nous parviennent de là-bas et ce, d'autant plus lorsqu'ils oeuvrent dans un style qui nous est cher, le doom, au cas particulier.
Tel est ainsi le cas de Omination, one-man band dont le caractère artisanal et fait maison – son maître des lieux se charge de tout, de la réalisation à la promotion - ne rime ni avec anémie sonore et encore moins avec une ambition en jachère. Cette économie de moyens lui confère en fait cette authenticité à laquelle le genre reste fièrement attaché. Celui-ci est aussi régit par un déterminisme géographique prégnant qui explique que des prêtres venus du Sud ne sonneront jamais aussi noir, ne seront jamais autant englués dans une purée mélancolique que leurs homologues figés dans les terres froides du nord de l'Europe. Il y a des exceptions cependant et ce projet entre les mains d'un certain Fedor Kovalevsky, est l'une d'entre elles, tant le fait qu'il ait vu la nuit dans un pays écrasé par le soleil ne s'entend absolument pas.
Les travaux de Eye Of Solitude ou du quintessentiel Esoteric comme combustible, son art s'infiltre dans les arcanes ténébreux d'un funeral doom aussi tellurique que baroque dont la grandiloquence bourgeonnante lui confère des allures de pandémonium cyclopéen. Son format numérique ne lui imposant aucune contrainte de durée, Followers Of The Apocalypse s'étale sur une heure et demie pendant laquelle l'homme peut ouvrir avec largesse les vannes d'une inspiration généreuse. Nous aurions pu craindre que cette diarrhée créatrice ne se transforme en une interminable marée qui, une fois retirée, ne laisserait rien dans nos mémoires vite endormies par ce ressac infini. Mais il n'en est pourtant rien quand bien même cette première procession se mérite, testant sa dévotion chez celui qui la suit. Car, c'est quasiment à un chemin de croix battu par le souffle de la fin du monde, auquel nous convie Omination.
Oscillant pour une majorité d'entre eux, entre neuf et vingt minutes au compteur, ces psaumes ont quelque chose de labyrinthes qui peu à peu s'enfoncent dans la noirceur souterraine de l'indicible. Si, omniprésents, les claviers aux dimensions liturgiques drape l'ensemble dans une religiosité obscure (Crossing the Frozen Wasteland), qui n'est pas sans évoquer Pantheist et Kostas Panagiotou, cependant que le chant abyssal se charge d'hachurer l'horizon d'un épais nuage de cendres, les guitares, presque progressives (The Temple Of The End Of Time), ouvrent un espace étroit pour laisser une pale luminosité colorer d'un espoir fragile ces compostions aux allures de tertres monumentaux. Bien que de fugaces accélérations viennent en secouer les arcs-boutants, l'édifice est engourdi par une lenteur paroxysmique qui culmine lors d'un ... Whose Name Is Worthlessness qui semble ne jamais vouloir mourir, long râle de douleur qui confine à une forme de transe mortuaire.
Bloc massif qui se doit d'être appréhendé dans sa luxuriante globalité, Followers Of The Apocalypse s'impose comme une belle offrande de Funeral Doom empreint d'une beauté enveloppante, qui s'offre aux pèlerins dans sa majesté immersive.