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Onioroshi : Shrine

Bitume Prods, 2025

Post Rock, Italie

Album CD

Une question pour commencer : comment se fait-il qu’un groupe aussi talentueux que Onioroshi ne soit pas (plus) connu ? Certes, le trio italien n’a que sept années au compteur et n’avait gravé jusqu’à présent qu’un seul signe de vie, "Beyond These Mountains" en 2018. Certes la pandémie, qui a ralenti toute l’activité musicale, a fortement freiné son développement. Mais enfin, certaines formations pourtant bien moins inspirées réussissent à s’imposer dès leur premier rôt. Au moins, Onioroshi a t-il quelque chose du trésor célébré par une poignée. Maigre consolation. Peut-être que "Shrine" corrigera cependant cette injustice et lui offrira la reconnaissance qu’il mérite.

Car autant l’annoncer de suite, ce deuxième album se révèle tout simplement indispensable pour tout amateur de bonne musique. Bon, tout ça est bien joli mais c’est quoi, Onioroshi ? Répondre à cette question n’est pas si facile. Rock progressif, post rock, psyché sont quelques unes des étiquettes qui sont accolées à ce projet né des cendres de Kimono Lights sans qu'aucune ne parvienne réellement à cerner un art aussi évolutif qu’émotionnel qui finalement échappe à de vaines tentatives de catégorisation. L’architecture déliée et foisonnante de compostions qui toutes oscillent entre 15 et 20 minutes au garrot, semble vouloir en effet arrimer les Italiens à la musique progressive. Mais il y a une dureté grondant parfois sur la surface qui vient perturber cette lecture. De même, si la texture instrumentale se veut extrêmement travaillée, le chant, qui éclot en une grappe plurielle, occupe curieusement une place importante sinon déterminante dans un ensemble dont il forme l’évidente colonne vertébrale, le fil rouge d’un voyage sonore vers l’infini. Vers une forme d’Absolu.

On devine à son écoute que le successeur de "Beyond These Mountains" est le fruit d’une longue maturation qui lui confère des allures de laboratoire propice à toutes les expérimentations pour parvenir à une création d’une grande pureté. La durée des compos comme soulignée plus haut ainsi qu’un enrobage sonore d’une belle profondeur, allouent à chaque intervenant l’espace nécessaire pour s’exprimer, baguenauder, décoller vers un ailleurs étrange mais captivant. Tout est pensé et réuni pour faire de "Shrine" un morceau d’art total et indivisible dont les trois pistes forment les mouvements successifs, chapitres d’un récit aventureux.

S’il serait fastidieux de les décrire en détail, ce qui par ailleurs les viderait d’une bonne part de leur magie, insistons toutefois sur la force d’envoûtement de ‘Pyramid’, qui chemine en une lente progression aux multiples strates où lignes vocales presque théâtrales et guitares sinueuses fusionnent sur un substrat rythmique du feu de dieu. ‘Laborinthus’ impressionne par sa complexité qui fait de lui le segment le plus tordu de l’écoute. Le plus sombre et tourmenté également, véritable orgie sonore qui fuse tout azimuts, ferrugineuse mais aérienne, grouillante mais rêveuse. Les lignes de basse sont superbes, les guitares, toujours aussi téméraires dans leur façon de se faufiler à travers ce feuillage crépusculaire duquel jaillit ce chant multidimensionnel. ‘Egg’  est lui aussi une épopée à lui tout seul, parfois lourds voire agressifs mais néanmoins toujours balayé par un souffle atmosphérique.

Onioroshi mérite la découverte et "Shrine" d’être considéré comme une œuvre brillante qui dépasse et transcende les genres. 

Childeric Thor - 8.5/10