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Paramnesia : Paramnesia

PARAMNESIA - Paramnesia

Les Acteurs de l'Ombre Productions, 2014

Black Metal, France

CD

Bien qu'il ne soit qu'au début de sa carrière, on peut affirmer que Paramnesia est déjà en train de bâtir une oeuvre faisant de ses membres des artistes. Le fait que la numérotation servant simplement à distinguer chacune de ses compositions, se poursuive d'album en album en constitue la plus frappante illustration. C'est un peu comme si nous étions les témoins privilégiés de la construction progressive d'un monumental édifice dont la forme finale nous est (encore) inconnue. Enigmatique. Mystérieuse. Oui, mystérieuse car une aura de trésor caché enrobe ce groupe dont l'identité, passionnante, se révèle par petites touches, par bribes, au rythme de la découverte de ces pistes exigeantes aux allures de labyrinthes tortueux.

Cette première offrande éponyme reprend ainsi les choses là où les ont laissées le EP séminal puis le récent split scellé avec UNRU. L'une des différences, de taille, qui le sépare de ses devanciers, tient justement au cadre qui est le sien, offrant au Black Metal de Paramnesia les dimensions démesurées qui lui manquaient encore. Architectures massives, les deux titres qui divisent ce premier véritable album, se déploient chacune sur près de 20 minutes, durée dilatée qui leur permet de dérouler de tentaculaires ramifications. Les limites éclatent ouvrant un espace infini. Plus rien ne semble dès lors corseter une écriture qui peut (enfin) étirer ses ailes.

Malgré l'approche moderne qui est la sienne, le groupe ne met pour autant jamais en jachère une forme de noirceur froide et sévère. En cela, son art n'est pas sans évoquer celui forgé par le trop disparu ALTAR OF PLAGUES, formation irlandaise avec laquelle il ne fait pas que partager un goût identique pour les structures épiques. On relève ainsi chez les Français ce même désespoir souterrain qui gronde sous le socle épais de compositions tendues comme une verge turgescente.

Deux longues pulsations animent donc ce menu aux allures de gigantesque bloc au puissantes racines et que lacèrent, creusent, fissurent, violent, de multiples soubresauts comme autant de terrifiants coups de boutoir. La première d'entre elles, naturellement baptisée \"IV\", imprime très vite une tension quasi sismique, qui gronde depuis les arcanes de la terre. Batterie métronomique, guitares aux formes viciées et chant lointain qui lui confère un aspect presque instrumental, fusionnent en un magma oppressant, qui prend aux tripes. Quoiqu'émaillée de nombreux aplats plus lents sinon atmosphériques, la plainte galope à travers un paysage colossal et crépusculaire dans son expression désespérée. Jamais ennuyeux en dépit de sa longueur, c'est un dédale que l'on suit avec une passion à aucun moment démentie car Paramnesia fait montre d'une maturité hallucinante.

Le constat est le même pour la piste suivante qui après une entame dont la lenteur pétrifiée n'étouffe pas les miasmes malsaines qui s'en libèrent, démarre sur les chapeaux de roue, tempo véloce et survolté qui ne freine qu'en milieu de parcours, pause mortifère suspendue au-dessus d'un puits sans fin. Puis sur fond de rouleaux de batterie d'une force fabuleuse, les six-cordes érigent une cathédrale granitique d'une triste beauté, arcs-boutants à la fois massifs et fragiles. Enfin, la cadence effrénée reprend ses droits avant que le titre ne meurt tout en progression dans un dernier souffle grêle.

Ce qu'on pressentait depuis un moment est arrivé : Paramnesia est devenu grand.

Childeric Thor - 8/10