Auto production, 2024
Black Metal, Croatie
Album CD
Petrale est le nom d’un groupe de black metal croate mais c’est aussi celui de son unique membre, un de ces musiciens solitaires qui pondent des albums comme d’autres vont aux chiottes. Neuf méfaits ont ainsi vu la nuit depuis 2017 dont six durant les quatre dernières années ! Bref, il s’agit donc d’un de ces one-man bands qui continuent de pulluler au fond des cryptes de la chapelle noire. Si le bonhomme se charge absolument de tout, de l’exécution à la prise de son, l’ensemble ne souffre toutefois d’aucune approximation tout en conservant un écrin authentique et dépouillé.
Musicalement, Petrale se réclame des Grands Anciens norvégiens mais sa musique suinte une lèpre malsaine et déglinguée qui n’est pas sans évoquer l’art noir le plus vicieusement torturé, celui de Deathspell Omega par exemple. Thématiquement, il s’enracine en revanche dans une géographie et un substrat culturel propre à la terre qui l’a vu naître, cherchant à matérialiser les manifestations diaboliques dans une ruralité méditerranéenne marquée par le catholicisme et à capter la survivance d’obscurs rites ancestraux. Ce qui confère à sa musique une ambiance bien particulière, ténébreuse et rustique, à laquelle participe des textes parfois écrits en croate.
Selon le principal intéressé, The World Down There s’inscrit dans la continuité, tant dans la forme que dans le fond, de Salvation Precipitates (2023), lui-même considéré comme une suite de Vrh (2022). Chant écorché qui semble venir du fond des âges et lignes de guitares sinueuses cisaillent une offrande aux allures de rituel opaque et indivisible. Grouillantes d’une sève nocturne et insidieuse identique, les huit pièces aux contours flous et à l’architecture proliférante qui l’articulent se ressemblent toutes un peu, à la fois rampantes et torrentueuses. Ce qui, loin de l’assécher, octroie à cet album sa force souterraine et tentaculaire. S’il paraît alors vain de chercher à en extraire un titre plus qu’un autre, l’éponyme et terminal ‘The World Down There’ se détache néanmoins, reptation sinistre dont les émanations obsédantes, exhalées par une guitare ferrugineuse qui a quelque chose d’un scalpel rouillé, confinent à une forme de transe tortueuse comme un sillon creusant la terre.
Labourant les méandres de l’underground, Petrale est à découvrir, artisan d’un black metal noueux et pulsatif dont l’humus hypnotique charrie des croyances et des peurs immémoriales.