La Horde Noire Webzine metal extrême depuis 2002

Råtten : La Longue Marche

Black Pandemie Production, 2024

Black Metal, France

Album CD

Il y a décidément quelque chose de sale chez Råtten, sale comme une plage sinistre et polluée après un dégazage sauvage. Cela, on le savait déjà, après avoir défloré son premier méfait, Roi-de-Rats, dont la tape coulait dans les mains à la manière d’une semence visqueuse. La Longue Marche ne fait que confirmer cette corrosive vilénie.

Il y a donc quelque chose de viscéralement sale chez Råtten. Cela commence dès le logo du groupe et l’orthographe de son de son nom qui perturbent d’emblée les repères et annoncent un truc un peu malade, un machin qui ne file jamais droit. Il y a aussi ces trois types, le visage bouffé par un masque qui rappelle un peu celui de Jason dans Vendredi 13, le côté tête de mort en plus. Il y a enfin cette musique, hystérique et sévère, brutale et souterraine, boueuse et méchante, qui vous remue à la façon d’une coloscopie un peu rude et n’est pas tellement agréable à écouter. Un gage de qualité donc, à n’en pas douter.

De quel genre s’agit-il au fait ? De black metal ? Il y en a mais pas que. Punk, crust, sludge paraissent tout aussi adéquats pour définir la bestiole. Mais au vrai, les Français n’ont certainement que faire des étiquettes, ce qui les motive, les guide, est de saigner les viscères les plus infâmes, à l’unisson d’une radicalité crapoteuse. Chant qui hurle un flot de paroles écrites à l’encre noire d’un désespoir aussi haineux que poisseux, guitares polluées dont affirmer qu’elles sont dissonnantes tient du doux euphémisme, rythmique compulsive mais sachant s’abîmer dans un puits sans fond, régurgitent un univers de cave humide, de boyaux méphitiques, de panse gonflée d’une sève empoisonnée, de kystes mortifères.

La Longue Marche dévide sept morceaux suppliciés, tuméfiés qui résonnent comme autant de scarifications. Nous pourrions les détailler, les décrire les uns après les autres. ‘Les cris de la meute’ est une amorce déchainée, dont la violence épidermique ne suinte pas moins de guitares qui par moments lacèrent la peau. Plus rampant, plus charbonneux mais non moins halluciné, ‘La mort et l’absolu’ a quelque chose d’un monstre de douleur et de noirceur. ‘Danse macabre’ serre encore davantage le frein à main, s’enfonçant corps et – surtout – âme dans les replis d’une (in)humanité perdue.

Nous pourrions continuer ainsi jusqu’au démentiel ‘Faiseuse d’anges’ dont le titre seul suffit à dire tout ce qu’il dégorge de miasmes funèbres, plainte instrumentale toute en progression maladive, tour à tour lancinante et meurtrie dont les secousses obsédantes le repousse aux confins d’un doom punitif. Ses ultimes notes qu’égrènent claviers et violons hantés, soufflent un air de mort après lesquelles aucune trace de vie n’est possible. Mais en vérité, ce deuxième album doit être appréhendé comme un bloc indivisible que dressent peu à peu chacune de ses parties qui s’emboitent les unes aux autres en un ensemble bouillonnant d’un nihilisme caverneux. Son effrontée réussite laisse à penser que la marche vers une reconnaissance accrue et méritée ne sera pas longue pour Råtten, saigneur d’un black sludge souillé de la noirceur la plus absolue, la plus inexorable. 

Childeric Thor - 8.5/10