Bitume Prods, 2019
Post Black Metal instrumental, France
Album CD
L’honnêteté oblige votre serviteur à reconnaître qu’il n’avait jamais entendu parler de Reflecting The Light, le groupe (un one-man band en fait) autant que l’album, que Bitume Prods, jeune label d’un très bon goût (Sermon, Nuit d’encre, Kaamosmasennus), a déterré des profondeurs de l’underground.
Tortueuse trajectoire que celle de ce galop d’essai qui semble devoir être condamné à demeurer sans lendemain. Composé et gravé entre 2016 et 2018 tout seul dans son coin par le dénommé Adz (dont on admettra également ne pas connaître les précédents projets tels que Abfall ou Thy Apokalypse), cette offrande éponyme est d’abord éditée en 2019 de manière confidentielle avant d’avoir droit à cette seconde vie presque cinq ans plus tard ! S’il serait très exagéré de le présenter comme un joyau méconnu enfin dévoilé au plus grand nombre, force est d’admettre que Reflecting The Light mérite largement d’être (re)découvert.
Mais de quoi s’agit-il ? De black metal ? Pas vraiment quand bien même certaines accélérations ou tempi dignes d’un cheval au galop peuvent l’évoquer. En fait, il manque quelque chose à ce disque pour être totalement arrimé à l’art noir : le chant. Celui-ci brille donc par son absence. Cette nature instrumentale conjuguée à une dimension atmosphérique sinon cosmique confère à l’ensemble une expression de facto plus post rock/metal que black à proprement parler. Que l’album égrène des pistes vierges de lignes vocales donc et qui plus est anonymes (une simple numérotation les distingue) n’aide pas de prime abord à sa défloration, imposant une immersion dans toute son entièreté, vaporeuse et mélancolique. Chercher à l’émietter revient à lui ôter une bonne part de sa magie et de son pouvoir d’évocation.
Pourtant, Reflecting The Light s’effeuille en vérité très facilement car son auteur sait nous transporter avec lui pour un voyage introspectif. Ce qui ne signifie pas qu’il soit ennuyeux. Bien au contraire, ces cinq (longues) compositions possèdent suffisamment de corps (et d’âme) pour capter l’intérêt à l’instar de la troisième piste où les nappes de claviers éthérées enrobent des lignes de guitares entêtantes qui agissent comme des balises perçant le brouillard. Doit-on regretter l’absence de chant ? Pas du tout. Mieux, elle permet à chacun de s’accaparer cet album en lui prêtant son vécu personnel et intime. Par conséquent, son appréciation dépendra pour beaucoup du ressenti de chacun, ce qui ne le rend pas moins atypique, nous faisant regretter que son créateur n’ait pas persévéré dans cette voie, contemplative et sinueuse tout ensemble.
Cette réédition annoncerait-elle une résurrection de ce projet disparu depuis dans les limbes ? On ne peut que le souhaiter. Si tel ne devait pas être le cas, il nous restera au moins ce disque unique, à tous points de vu dont on ne dira jamais tout le bien qu’il faut penser du choix de Bitume Prods de l’avoir extraie de l’oubli...