La Horde Noire Webzine metal extrême depuis 2002

Sermon : Till Birth Do Us Part

Bitume, 2023

Doom Death, Turquie

Album CD

Ce n'est pas tous les jours qu'on tombe sur un groupe turc, raison déjà suffisante pour qu'on s'arrête le temps du chronique sur Sermon. Curieuse trajectoire d'ailleurs que celle de ce groupe de vingt-cinq ans d'âge. Il se forme en 1997, grave dans la foulée deux démos plutôt remarquées, Cosmic Prisoner puis Sea Of Meanings mais finit pourtant par se saborder en 2004 sans avoir pu enregistrer un premier album. Celui-ci voit finalement le jour presque vingt ans plus tard après que le dernier membre historique, le guitariste Cem Barut, ait décidé de réactiver ce groupe qu'on croyait endormi pour toujours.

Le style qu'il sculpte demeure fortement marqué par l'époque qui l'a vu naître soit un doom death granitique aux coutures gothiques dans la belle tradition anglaise d'alors, celle de Paradise Lost et consorts. Ses racines dictent à ce Till Birth Do Us Part résurrectionnel à la fois son authenticité mais aussi - et surtout - sa teneur, séculaire et sentencieuse. Une rapide écoute de son robuste menu (huit pistes pour presque une heure d'un fumet doloriste) donne à croire qu'il pourrait s'agir d'un vestige oublié des années 90, déterré par des archéologues du son pétrifié. Le chant de Harun Altun (Forgotten), qui n'est bien sûr pas sans évoquer l'organe de Nick Holmes, de discrètes lignes de violon (sur 'Destined To Declin' notamment) et les guitares creusées dans la roche, gonflées d'une inexorable tristesse et perçant la brume à la manière d'une vigie engourdie, ne sont pas étrangers à ce sentiment.

La prise de son, massive mais conservant cet éclat rocailleux, presque sévère, balaie néanmoins cette impression d'avoir affaire à une musique datée même si on devine que ces compositions sont certainement anciennes et donc le fruit d'une longue maturation. Ce qui les rend plus solides encore. Et quel plaisir de pouvoir savourer une pure offrande de doom death traditionnel dont elle récite le credo mélancolique avec respect et sincérité. Tout y est, de ces vocalises délicieusement caverneuses et des six-cordes minées par le désespoir donc mais aussi ces parcimonieux claviers aux accents funèbres et ce tempo coulé dans le marbre froid, le tout poinçonné de quelques touches goth/électro à la Type O Negative du meilleur effet ('Gnostic Dissensus'). Tous les titres, bijoux de progression tellurique et d'ambiances crouteuses, s'agrègent les uns aux autres pour ériger un bloc de matière brute grondant d'une puissance souterraine et suintant un magma d'une gravité émotionnel.

Avec ce Till Birth Do Us Part dont le titre résonne comme une déclaration (de foi), Sermon forge la plus belle hostie de doom death à l'ancienne entendue depuis (très) longtemps, point de départ d'un nouveau chapitre qu'on espère plus régulier et durable que le précédent.

Childeric Thor - 8/10