Avantgarde Music, 2014
Black Metal, France
CD
On ne dira jamais assez tout le bien qu'il faut penser de cette famille de musiciens basés à Rouen qui ne cessent de se croiser au sein de formations parmi les plus excitantes entendues depuis longtemps, de Ataraxie à Funeralium, de Yuck à Chaos Dei, de Mythrim à Void Paradigm. Que du bon donc, du noir, du funéraire, du malsain, parfois Doom, souvent expérimental et jamais très loin de l'art noir.
Sordide est le dernier rejeton de cette fratrie, jardin secret de deux anciens membres de Hyadingar, Nekurat et Nehluj. Connaissant le talent des deux lascars, la qualité de ce nouveau projet ne fait aucun doute, lequel sonne comme la promesse d'une vicieuse scarification. Simple et direct, son nom a au moins le mérite d'afficher d'emblée la couleur, qu'on devine maladive, nauséeuse. Morbide. Autant d'adjectifs qui collent à la peau meurtrie du Black dépressif, dont on attend la corde pour se pendre au moment d'écarter les cuisses de ce méfait séminal... laquelle ne vient pas, du moins pas comme on l'attendait.
Ni suicidaire ni true ni avantgardiste, le métal noir forgé par le trio est pourtant un peu de tout cela. En fait, il se veut surtout orthodoxe dans son expression d'un mal séculaire, honorant à sa manière, âpre et froide, rocailleuse et sinistre, et plus personnelle qu'il n'y parait, les Tables de la loi édictées par les Grands Anciens scandinaves et norvégiens surtout dont il ravive à la fois la flamme et le soufre.
Ce qui frappe en premier lieu à l'écoute de cette hostie au goût de lèpre est son enrobage sonore, primitif et déglingué. En choisissant de capter en live ses compos, le groupe a su conférer à son art plus qu'un son dépouillé sinon authentique mais une espèce de lustre véritablement cru et evil , écrin sale comme le sang menstruel poissant ces riffs pollués qui crachent une semence empoisonnée. Mais loin du mur cradingue derrière lequel les médiocres en profitent pour planquer leur approximations, cette prise de son épurée laisse chaque instrument s'exprimer pleinement et trouver sa place, témoin un titre tel que 'l'innocence' que vrillent des lignes de basse galopantes preuve en est - encore une fois - des talents en présence.
La forme n'est pas le seul point étonnant car le fond l'est au final tout autant car déroulant une linéarité, une simplicité trompeuses. Chantés en français, ce qui contribue à les rendre plus haineux encore ('Violence'), ces méfaits grondent d'une sève tempétueuse à l'image du titre éponyme qui ne file jamais doit, percé qu'il est de multiples et mortifères stigmates. Parfois rapide comme un torrent en crue mais souvent lancinant ('Gloire'), \"La France a peur\" possède des allures de transe hypnotique capable de déchirer l'âme dans ses replis les plus profonds. De ces coups de boutoir obsédants éjacule une beauté vénéneuse, comme le montre 'Ni Nom ni drapeau' où le chant hurle un mal être total, un désespoir définitif.
Fouaillant les chairs, ce premier essai a la capacité rare de vous hanter longtemps encore après que son écoute se soit achevée... Le signe des grands.Grand disque et grand groupe.