Iron, Blood And Death Corporation, 2024
Death Metal, France
Album CD
Il y a des groupes qui souffrent de diarrhée créatrice ou qui déchargent leur semence aussi vite qu’un puceau. Et puis, il y en a d’autres qui prennent leur temps, se font désirer. Tel est donc le cas de StabWounD dont dire de lui qu’il n’est pas tellement pressé tient du doux euphémisme ! Jugez plutôt. Une première démo il y a seize ans, crachée peu après la naissance du combo normand, suivie d’une seconde deux ans plus tard et enfin un EP (Ritual) en 2013. Ensuite, plus rien, si ce n’est une petite miette solitaire, le single ‘Devoured’. Au bout de ce long tunnel surgit enfin le résurrectionnel As Humanity Dies, premier véritable effort pour le moins inespéré.
Que StabWounD ait survécu à cette trajectoire heurtée peut sembler surprenant, qu’il n’ait pas été oublié l’est revanche beaucoup moins car ses lointains débuts dénudaient déjà un potentiel qui ne demandait qu’à s’extraire de sa gangue croûteuse. Dont acte. Et autant l’annoncer de suite, l’attente se voit largement récompensée par cet album qui s’enfonce dans un death metal tel qu’il devrait toujours l’être, sombre mais accrocheur, old school sans être poussiéreux. Un peu à l’image de son très bel artwork, que signe avec sa patte reconnaissable entre mille Costin Chioreanu, porte d’entrée d’un univers charbonné de mystères.
Les Français ont tout compris et assènent une véritable leçon, tant d’un point de vue de l’écriture (chaque titre est un pur bijou) que de l’exécution qui atteint un très haut niveau (‘Angel Of Lust’). Les influences sont évidentes (Entombed, Bolt Thrower dont la reprise du quintessentiel ‘Cenotaph’ achève d’ailleurs l’écoute, voire même Slayer sur un ‘Death Assembly’ bien charcleux) mais suffisamment digérées pour ne pas donner l’impression d’être bêtement ruminées. Une autre des qualités – et peut-être la plus essentielle – à mettre à l’actif des Rouennais réside dans la variété teigneuse de son death aux multiples facettes.
Précédé par l’introductif ‘Dies Irae’ aux funèbres émanations, ‘Thorns’ déboule avec un alliage de riffs cendreux et de morsures qui donnent envie de taper du pied. Ces relents thrash font d’ailleurs plus qu’affleurer à la surface de saignées à la fois batailleuses et macabres, témoin les ‘Devoured’ et autre ‘Steel Coffin’ que perfore un break plombé à souhait, et qui en live mettront nos cervicales à rude épreuve. Mais à l’autre bout du spectre, StabWounD n’hésite bien sûr pas à serrer le frein à main (‘Filth’), à épandre des miasmes morbides (‘The Aftermath’ et son accordage plus bas que terre dans la grande tradition suédoise) et plus généralement à labourer un champ aux confins du doom, comme l’illustre ‘As Humanity Dies’, labyrinthe tentaculaire qui s’étire sur plus de huit minutes sinueuses qu’encrasse le chant de Jérémy, lequel n’a alors rien à envier à un Martin van Drunen (Asphyx) en terme de régurgitation foreuse.
L’ensemble aboutit logiquement à un des plus redoutables et implacables albums de death metal de l’année. Il ne reste plus qu’à souhaiter que StabWounD poursuive sur cette lancée et lui offre un successeur dans un délai raisonnable...