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Temple Of The Fuzz Witch : Conjuring

Black Throne Productions, 2025

Doom crasseux, Etats-Unis

Split 12''

A l’initiative du label canadien Black Throne Productions, Seum et Temple Of The Fuzz Witch mêlent leur semence épaisse comme une nappe de mazout le temps d’un split qui ne manquera pas d’affoler les compteurs Geiger. Bien que différents dans leur façon de débiter de la bûche, les deux protagonistes s’avèrent finalement plutôt complémentaires, partageant davantage qu’une simple appétence pour le gros qui tâche mais surtout une même âpreté bourrue. Démonstration.

Face A du vinyle (quoi d’autre ?), les trois Québécois assènent trois uppercuts comme ils en ont le secret, visqueux et énervé. Brut de décoffrage évidemment. Mais peut-être même plus méchant encore que d’ordinaire. Constamment au bord de la rupture, ‘Dead Ear’ en témoigne, saillie brutale qui gronde et finit par exploser en un geyser de haine nauséeuse. Certes (un peu) plus accrocheur et remuant, tout en lignes de basse qui claquent comme une peau tendu après un croc de boucher, ‘Problems’ n’en est moins hargneux. Rugueux et cloué dans une terre boueuse, ‘Efrit’ racle quant à lui les chairs tuméfiées, à la manière hurlante et abrasive d’un Eyehategod, véritable boule de pus qui souille tout l’espace. Qu’ils puisent dans les problèmes que les musiciens ont dû affronter ces dernières années (handicaps et addictions diverses) ou dans leurs doutes présents (leur propre vieillissement), explique la violence aussi noire que cathartique qui irrigue ces trois brûlots fiévreux. Par ailleurs, ce petit quart d’heure leur suffit à rappeler que la guitare n’est nécessaire ni pour faire beaucoup de bruit ni pour dresser une hampe goudronneuse.

Face B, Temple Of The Fuzz Witch. Des Américains, qui sont trois également mais avec une guitare dedans. A première vue, le flacon est plus classique, à base de bon vieux stoner doom, plombé et néanmoins enfumé. Mais les vocalises parfois lacérées de Noah Bruner, un rythme qui s’emballe brutalement (‘Effigy’) et un format trapu, signent en vérité une musique de mammouth plus teigneuse qu’elle n’en a l’air. Par exemple, ‘Eternal Lamentation’ n’est pas si différent de ce que rumine son partenaire de rondelle, rut lourd et hystérique qui arrache la tapisserie. Quoique plus psyché dans une veine à la Electric Wizard, ‘Fool Of Shades’ ne déserte pas un terrain patibulaire et pas tellement engageant.

"Conjuring" scelle l’alliance cohérente entre deux groupes unis dans leur énergie crouteuse par une même fureur convulsive. 

Childeric Thor - 8/10