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Terreur Nocturne : Solitude Post-Mortem

Music Records, 2023

Black Metal, France

Album CD

Non content de s’être imposé en quelques années parmi les illustrateurs les plus convoités de la scène qui nous est si chère (ses créations sont de véritables bijoux), Matthias « Macchabée » Bonhoure est également un musicien tout aussi inspiré, guitariste de Muertissima jusqu’en 2022, date à partir de laquelle il rejoint Terreur Nocturne. Si sa présence en son sein n’est sans doute pas étrangère à l’exposition accrue dont il bénéficie aujourd’hui, le fait est que ce groupe est avant tout la création de Oneiros (chant) et de Regne (guitare) qui l’ont fondé en 2019. A quatre mains, ils signent un premier signe de mort, "Royaume onirique", dont l’honnêteté oblige votre serviteur à admettre qu’il était totalement à côté lors de sa diffusion il y a presque deux ans. L’embauche d’un batteur (L’aveugle) et de Matthias donc, atteste de la volonté du duo originel de passer à la vitesse supérieure et d’offrir ainsi au premier véritable album de Terreur nocturne le cadre propice à sa matérialisation. Dont acte.

Evidemment comme, selon l’adage, on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même, le visuel qui habille "Solitude Post-Mortem" est l’oeuvre de Macchabée. Celui-ci est non seulement superbe (évidemment aussi) mais il se présente surtout comme l’idéale porte d’entrée d’un disque sombre qui fouille les peurs tapies dans notre inconscient, évoque tout un monde fantasmagorique de ténèbres intimes. Cette noirceur souterraine n’exonère toutefois pas son menu tentaculaire ni de beauté ni d’une incontestable richesse mélodique, lesquelles s’écoulent plus particulièrement de ces arpèges boisés (‘Malédiction fantasmagorique’).

Mais étonnamment, l’enrobage sonore évite d’être trop policé, encroûté au contraire de miasmes polluées, ce qui confère à "Solitude Post-Mortem" ce caractère dissonnant et maladif qui parfois l’entraîne aux confins de la folie, d’une démence sournoise et déglinguée, à l’instar de ce ‘Tribulation’ que le chant d’Erroiak vient corroder de sa lèpre obscure et malsaine. Ce dernier n’est d‘ailleurs pas le seul invité à enrichir la palette vocale de cet album très travaillé puisque Wÿnter Ärvn vient noircir un ‘Terreur nocturne’ plein de mal-être et de souffrance. Néanmoins, Oneiros, le chanteur, n’a de toute façon pas besoin d’eux pour plonger ces complaintes torrentueuses dans un baquet âpre auquel des textes dans la langue de Molière confère toute leur poésie mortuaire. Quant aux guitares, elles injectent à l’ensemble un grain à la fois obsédant et mélancolique, comme l’illustrent ‘Hommage post-mortem’ et ‘Précipices’, gemmes brumeux taillés cet art noir qui échappe finalement à toute confortable étiquette.

De fait, ce opus affiche plusieurs visages, atmosphérique mais dissonant, dépressif mais ancestral, mélodique mais gorgé d’une terreur enfouie dans les replis de l’âme, sans pour autant appartenir à un quelconque caveau si ce n’est celui du black metal dans son essence sinistre et séculaire. Terreur Nocturne livre une offrande d’une grande qualité, rêverie désolée et terrifiante dans les entrailles intimes imbibées d’un éther à la fois poétique et funèbre propice à toutes les interprétations, toutes les visions, selon le vécu, les souffrances et le ressenti de chacun.

Childeric Thor - 8/10