Eternal Soul Records, 2008
Neofolk, Allemagne
CD
Avec ce troisième (et, hélas, dernier) album, Triarii nous gratifie d'un neofolk puissant et recherché. Dans Ars Militaria , sorti en 2005, le one-man-project montrait déjà ce qu'il avait dans le ventre avec des orchestrations particulièrement bien arrangées, quoiqu'un peu lourdes ; Pièce Héroïque , qui a vu le jour l'année suivante, confirmait le talent de Christian Erdmann - l'homme derrière l'échantilloneur/séquenceur/mixage/fûts/programmation, etc. - avec toujours autant de puissance, mais davantage de légèreté et un peu moins de répétitivité entre les morceaux.
Muse in Arms , objet de cette chronique, constitue le point d'orgue des productions Triarii. Si les références esthétiques ne sont pas extrêmement originales pour du neofolk - l'Europe, l'histoire militaire -, c'est la manière de combiner les orchestrations et les extraits de morceaux classiques pour en faire des créations à part entière qui donne toute sa spécificité à la musique du projet. A l'intérieur du livret, pas de lyrics (bien que certains titres contiennent des chants), mais simplement un avertissement en anglais : \" cet album est dédicacé à tous les esprits étroits [...] rien n'est tout blanc ou tout noir ; ce n'est pas si simple \". Triarii cultive l'ambigüité, comme souvent dans le neofolk, mais sans se limiter à cela. Si c'est ambigü, c'est parce qu'il s'agit d'exprimer une vitalité qui ne peut trouver son expression que dans l'art, avec pour références des exemples effectifs de force et de jeunesse.
En témoignent le nombre de fois où apparaissent les mots \"sun\" ou \"Sonnen\" (qui signifie soleil en allemand), deux fois pour le premier et une pour le second, dans la liste des morceaux !
Le titre introductif, \"Birth of a Sun\", fait entrer l'auditeur dans un suspense brumeux avec des nappes discrètes et des samples qui donnent l'impression des heures les plus sombres en puissance, sans discours politique néanmoins. Personnellement, je préfère les envolées wagnériennes du titre \"Le crépuscule des dieux\" dans Pièce héroïque , mais on ne peut pas tout avoir, et puis niveau wagnérisme on n'est vraiment pas déçu.
Muse in Arms contient deux chansons chef-d'oeuvre : \" Europa \" et \" Ode to the sun \". Les deux sont renversantes, tant au niveau des paroles que de la musique, incroyablement entraînante. La première est plus facile d'accès, parce que plus lourde sur le plan des orchestrations, tandis que la seconde, assez subtile et incisive, demande plus d'écoutes. Mais une fois qu'on y est... c'est une claque. Quelques notes de violon, des bruits métalliques, un chant grave et lent qui occupe tout l'espace, puis à nouveau ce suspense musical intenable qui vous prend aux tripes !
Les autres titres sont également très bons (à l'exception du tout dernier, \" Wir kommen wieder \", que je trouve assez nébuleux). On a d'ailleurs droit à une variante vieillie de la chanson éponyme : \" Muse in Arms \", titre frais et sensuel, devient \" Muse in Arms II \" quelques morceaux plus tard. Là, on retrouve la même mélodie, mais comme passée au gramophone, et en même temps plus axée sur les percussions. Métaphore romantique d'une figure inspiratrice, la muse, qui vieillit comme tout le monde...
Vous l'aurez compris, cet album est riche en inspiration et en contenu. Je préfère m'arrêter là pour ne pas gâcher le plaisir de la découverte à de futurs auditeurs. En tout cas, jetez-vous dessus : Muse in Arms n'est pas une posture ni un projet bâclé, et il est fort probable que même les moins militaristes se laissent emporter par les orchestrations surboostées d'\" Europa \" ou par le discours du grand Charles (que l'on entendait déjà dans Ars Militaria , c'est une manie !) dans \" Les Extrêmes se Touchent \".