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Les blessures assassines

Films Drame / Psychologique / Auto-destruction

Jean-Pierre Denis
2001
France

En plein débat sur la responsabilité pénale des malades mentaux, il est intéressant d'évoquer le cas des soeurs Papin. Le film relate ce fait divers qui s'est déroulé au début des années 30 dans une atmosphère délatoire et hystérique. Il faut restituer la situation dans son contexte : une époque troublée entre l'émergence de factieux fascisants et revendications prolétariennes. La presse s'empare de cette tragédie pour brocarder le combat ouvrier en dangereuses menaces gauchistes et des funérailles nationales sont organisées pour les employeurs assassinés.
Christine et Léa Papin sont deux soeurs, deux "bonnes à tout faire" qui vivent au Mans. Elles sont incarnées à l'écran respectivement par Sylvie Testud ("Karnaval") et Julie-Marie Parmentier ("La ville est calme").
Leurs vies nous sont présentés en une sorte de huis-clos dans lequel Christine Papin présente des troubles de la personalité de plus en plus présents, des frustrations de moins en moins réprimées où se mêlent l'amertume d'une existence à nettoyer la crasse chez les autres, et l'intimité toujours plus présente chez les deux soeurs. Le réalisateur pousse cette relation jusqu'à nous présenter deux soeurs incestueuses dans des positions graveleuses dont le film aurait pu largement se passer. Christine a un rôle dominant sur Léa : elle est tantôt la grande soeur, tanôt l'amante. La confusion devient totale dans sa tête, dans ce milieu uniquement féminin (elles ne côtoient personne mise à part Madame et Mademoiselle), où plus rien ne compte que Léa, sa chose, jusqu'au jour où leurs patrones devinent leur degré d'intimité. Un escalade dans la violence s'en suit, primitive et pulsionnelle. Les victimes sont mutilées à l'extrême, oeil arraché, frappées à coup de marteau, appareils génitales démembrés et j'en passe. Ce qui suivra est un véritable scandale : procès baclé, droits de la défense baffoués, Chistine Papin est condamnée pénalement dans un premier temps, comme Léa, sous la "pression populaire" (j'adore cette expression, c'est tellement méprisant dans ma bouche). Elle sera par la suite internée.
Le film est très sobre, pas de bof, ce qui met en évidence une belle performance d'interprétation de Sylvie Testud. L'évolution vers la folie est bien amenée, la tension avec la mère étant de plus en plus palpable, on peut supposer que la haine et la hargne que Christine déploie dans l'acharnement sur les corps est une des résultantes du rapport à la mère. Le film nous renvoie à nos interrogations sur les blessures de l'enfance, sur l'humiliation et les ravages que peuvent engendrer l'archaïsme d'une société de classes.

Mönnos