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La chute

lachute

Films Guerre / Histoire

Oliver Hirschbiegel
All
2005
2h30

Ce film allemand sort en France en janvier 2005. Quelle fresque historique ! 1942 : Traudl Jung, jeune femme au profil aryen mais apolitique, est embauchée comme secrétaire personnelle de Führer. Avril 1945 : les jours du IIIème Reich sont comptés : la période du 20 avril 1945 (anniversaire de Hitler) au 5 mai 1945 (capitulation allemande) est méticuleusement décrite de l'intérieur du bunker de la chancellerie à Berlin, grâce à deux livres qui sont ici superbement adaptés : « les derniers jours de Hitler » (l'historien Joachim Fest) surtout, et aussi « Jusqu'à la dernière heure, la dernière secrétaire d'Hitler » (Traudel Junge). En 1973, déjà, Ennio de Concini réalise un film, d'après un livre de Gerhardt Boldt, exactement sur le même thème : "Les Dix derniers jours d'Hitler", avec Alec Guinness dans le rôle-titre. Dans "la chute", l'histoire est d'un réalisme à couper la souffle, et cela sans parti pris : peu d'allusion au génocide juif, ni à la puissance de l'Allemagne : juste un huit-clos dramatique ou les dirigeants politiques et militaires, mais aussi le petit personnel, se croisent et sont aux abois : le bunker est une véritable ruche souterraine parfaitement équipée en provisions, moyens de communications, habitats, bureaux, corps de garde et groupe électrogène. Au moment ou le Reich nazi ne se résume plus qu'à quelques kilomètres carrés de terrain en Allemagne, les décisions politiques, les plans militaires et les cérémonies s'y élaborent de manière irréelle, parfois grotesque : beuveries orchestrées par Eva Braun, mariage de cette dernière avec Hitler, nominations et destitutions fantaisistes des dirigeants... Mais au fur et à mesure que les Soviétiques avancent dans Berlin, les espoirs en la victoire finale s'amenuisent...la tension monte et chacun doit faire des choix : suicide, trahison, fuite, combat jusqu'à la mort... Et le terrible destin de tous s'accomplit par cette reconstitution rigoureuse. Le sang coule parfois à flot dans des scènes très crues ! La personnalité de Hitler, dépeinte pour une fois avec justesse (loin du téléfilm US « Hitler » en 2 parties) ne manquera pas de surprendre : ce végétarien, affable avec les enfants, charmant envers les dames, amoureux des chiens, mais parkinsonien, accuse rageusement tout le monde de trahison et de faiblesse.
Quelques problèmes sont tout de même à signaler : ce film a créé des débats houleux chez les critiques et flics du "politiquement correct" car il aurait été trop prudent envers le nazisme et humaniserait les dignitaires nazis (ce sont pourtant des humains, et non des martiens, comme le disait Marc Ferro, historien français de gauche) : le film fait pourtant passer Hitler pour un abruti colérique, sa femme pour une fêtarde stupide, etc. Ce qui nous mène à ma deuxième remarque : dans son livre, le garde du corps d'Hitler Rochus Misch (voir chronique) qualifie ce film de "drame d'opérette" dans lequel "tout y est exagéré" : "pas de fête, de beuverie au champagne dans ce minuscule bunker".Pas de colère hystérique à répétition de Hitler non plus, comme dans le film. Il reproche donc à Joachim Fest de ne jamais l'avoir consulté, alors, que lui a été le dernier a quitté le bunker, juste avant le suicide de Himmler ! Même Wikipédia note quelques "escroqueries historiques" pour mieux faire monter la mayonnaise !
Enfin, reproche inverse que les critiques ont peu faire, je trouve ce film est très prudent envers le stalinisme : pourquoi finir à la minute même de la signature de la capitulation, sans montrer si la peur des « hordes asiatiques » honnies par Hitler était-elle justifiée ? En effet, le pillage de Berlin par les soviétiques dura une semaine, au cours de laquelle les meurtres, vols et viols furent légions... Et, puisqu'on aime idans ce film les détails spectaculaires, pourquoi n'est-il pas dit dans l'épilogue, pourtant très fourni, ce qu'est réellement devenu le corps d'Hitler ? Car les restes, mal consumés, sont embarqués par les Russes dans un train plombé, pour finir dans les archives du KGB, où ils resteront bloqué 50 ans, jusqu'à ce qu'une exposition les dévoilent à Moscou après 1991 à un public interloqué... Des tabous ne sont pas encore tombé : pas facile de parler d'Hitler dans des pays englués dans leur flagellations nationales respectives...Et le mythe du libérateur soviétique a encore de beaux jours devant lui... Disons que le réalisateur a fait ce qu'il a pu, ce qui est déjà pas si mal...Du cop, on ne voit pas passer les 2h et demi du film...

Autocrator