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Mon Führer, la vraie véritable histoire d'Adolf Hitler

Mon Führer

Films Guerre / Histoire

Dani Levy
2008
Avec Ulrich Mühe, Helge Schneider.
1h35

Voici un film qui a porté à débats... et qui finalement n'est pas si subversif qu'il en a l'air. Si la morale bien-pensante ferme encore les portes à certains sujets de l'Histoire, le réalisateur allemand Dani Levy les a forcées, en s'en donnant à coeur joie dans « Mon Führer », sorti dans les salles françaises le 12 mars 2008.

Peut-on rire de tout ? « Oui... mais pas avec tout le monde », dixit Desproges. Voilà une phrase qui tranche le débat qui anime les critiques. En cause : Mon Führer, une comédie décapante, qui porte Hitler et ses suppôts au ridicule, en forçant le trait sur les failles et les absurdités du Troisième Reich. Si Dani Levy a choisi l'angle de la comédie, c'est surtout « parce qu'elle permet d'être plus subversif, de faire sauter les tabous. Elle peut exagérer, montrer des comportements de manière crue, et ainsi dénoncer leur bassesse ». Comique de geste, de situation, les décalages humoristiques s'enlacent harmonieusement, et produisent un des meilleurs effets. En vérité, si l'appréhension pèse sur Mon Führer, c'est que le sujet en lui-même dérange, et reste, notamment pour les Allemands, une épine dans l'Histoire.

Synopsis

Décembre 1944. L'Allemagne nazie vit ses derniers moments. L'armée hitlérienne est mise à mal jusque dans son propre quartier général. Berlin, autrefois glorifiée par les foules, est en ruines. Hitler est las et déprimé, et n'a pour seule plaisir que celui de jouer à la bataille navale dans son bain. Pour relever la tactique du Reich, Joseph Goebbels, le ministre de la propagande, fait appel à Adolf Grünbaum, illustre metteur en scène juif qu'il libère de son camp de travaux forcés. Sa mission : aider le Führer à répéter le discours enflammé qu'il compte tenir en janvier du haut d'une tribune en carton-pâte. Le dramaturge accepte, à condition que sa famille soit elle aussi libérée.

A force de rudes leçons portant leurs fruits, Adolf Hitler s'entiche de son coach, qu'il réclame les poings sur la table. Il aime l'autoritarisme, et les exercices physiques que lui impose son répétiteur. Aussi, au menu de l'entraînement, des séances de relaxation psychanalytique...Adolf Grünbaum poussant Hitler à une introspection, pour exorciser un passé mal digéré. Le spectateur découvre alors une illustration de l'Hitler impuissant, frustré et malheureux. Aux premiers abords, ce tableau paraît comique.

L'arroseur arrosé

L'inversion des rôles est le moteur du rire dans le film. Les répliques décalées fusent. Pour illustration, ces mots que Dani Lévy met dans la bouche d'Adolf Hitler « Cette histoire de « solution finale », ne le prenez pas de façon personnelle »...

Il y a, il est vrai, comme un air du Dictateur. Hinkel, dans le film de Chaplin, représente aussi la catharsis idéale d'Hitler. C'est un être qui n'existe pas, un fantoche, un pantin...Par moments, le scénario laisse facilement deviner l'intrigue. Mais, même si certains gags sont prévisibles, ou évoquent une impression de « déjà-vu », l'ensemble est intelligemment dosé. Et, surtout, chaque scène fait réfléchir.

Les jeux de lumière aussi sont savamment étudiés: l'ambiance est morose, obscure, et inspire l'omniprésence de la décadence et de la barbarie. Nous sommes dans le palais de la mort, abruti par une bureaucratie rigide et extrêmement hiérarchisée. Mais l'intrigue ne sombre pas pour autant d'un mélodrame. Quelques camaïeux rose-orangés maximisent le comique de certaines situations (Goebbels et ses comparses écoutant à la porte du Führer). Et, un choix primordial n'échappe pas au spectateur. L'incipit comme la scène finale du film sont en noir et blanc. Le reste de la pellicule est en couleurs...une façon de dédramatiser.

Non, Mon Führer n'est pas un clone du Dictateur . C'est un film poignant, et un beau pied-de-nez à l'absurdité presque kafkaïenne du régime nazi. Le spectateur ne peut rester passif face à une telle réalisation, qui pousse irrémédiablement à la réflexion. Et pour ceux qui ne seraient pas encore convaincus du bien-fondé de ce film, qu'ils méditent cette phrase d'Eric Rohmer : « pasticher Hitler n'aurait pas été concevable s'il n'avait pas commis l'imprudence de ressembler à Charlot »...

Myrha