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Twin Peaks

Twin Peaks

Films Thriller / Suspense

Twin Peaks, Fire walks with me
USA, 1992
David Lynch

Quand David Lynch transcende nos pensées...

Avant d'être un film, "Twin Peaks" était une série de 28 épisodes diffusés en 1990 sur la chaîne américaine ABC (et en France, sur feu La Cinq). Véritable satire des soap operas, et version surréaliste des feuilletons policiers de la même époque, la série connaît un succès fulgurant, et révolutionne le concept de la série d'auteur. Retour sur un film culte, à voir ou à revoir...

Regarder Twin Peaks , c'est croire au pouvoir angoissant de la normalité. Pas besoin d'effusion de cris, de sang ni de monstres aberrants...
Non, seulement l'image, et la force des phobies et des angoisses qui nous hantent, et que nous cachons tous au plus profond de nous.

« Welcome to Twin Peaks »: le panonceau de bois verni indique le nom de la ville. Un message qui sonne comme une invitation policée, et nous incite à la curiosité. Quels secrets renferme cette ville au calme presque dérangeant? Un cadre idyllique, une famille moyenne américaine comme il y en a tant d'autres. La pelouse tondue à la perfection, des voisins aimants, et des relations sans bémol...

L'histoire

Le film débute sur une enquête policière. Le corps lesté d'une jeune fille, du nom de Teresa Banks, est retrouvé dans la rivière qui longe la ville. Livide et raidie, mais toujours très belle. L'investigation débute. L'autopsie révèle un étrange indice: sous l'un des faux ongles de la victime, se cache une lettre, incrustée dans de la colle. Mystérieux élément d'un puzzle qui ne fait que commencer à s'échafauder.

C'est un jeune agent du FBI, Dale Cooper (joué par Kyle Mac Lachlan, l'acteur fétiche de David Lynch), qui se charge de l'affaire. Subordonné au sergent Gordon Cole (David Lynch lui-même!), presque sourd d'oreille, il est amené à côtoyer de curieuses situations, censées le mettre sur la piste du meurtrier. En témoigne une des premières scènes du film. Telle une Pythie muette, une danseuse, effectue une chorégraphie énigmatique et truffée de symbolisme. La première charade se constitue alors. Aidé de son coéquipier, l'agent spécial Cooper découvre que de nombreux habitants de la ville sont impliqués dans cette sombre affaire.

Une ellipse nous projette un an plus tard, une semaine avant la mort de Laura Palmer. Laura est la fille la plus populaire de son lycée. Aimée de tous pour sa candeur et son image immaculée, la jeune fille va connaître durant ces sept jours une descente aux enfers. Tiraillée entre un père possessif et paranoïaque, et une vie sentimentale d'adolescente assez houleuse, elle s'adonne impulsivement à des activités subversives. En une période si courte, elle rompt avec son image de petite fille modèle à l'américaine. Des cauchemars incestueux - hallucinations ou fresque de vérité? - , viennent hanter Laura. Elle entraîne sa meilleure amie dans la débauche, et revêt une attitude désintéressée...presque possédée par la prémonition de sa propre mort.

Une scène culte retient notre attention: l'excipit, qui nous montre un vestibule rougeoyant, symbole du trépas sanglant de Laura, empli de culpabilité et d'espoir perdu.

C'est ça Twin Peaks . L'art d'introduire l'aspect dérangeant du calme et du néant. Tout respire le bien-être et la bonne humeur. La "normalité". Le calme plat... Et là, subitement, une secousse, et ses répliques. Un tremblement de terre colossal qui vient ébranler ce tableau fabuleux, cette peinture pastelle et idéale. David Lynch nous montre avec brio que derrière une façade brillante et policée, la réalité du rêve américain est faite de névroses et de déviance. Brillant dessus, le fruit est empli de vermines... Les asticots, ce sont les non-dits, et tous ces secrets de famille qui hantent le commun des mortels.
En regardant ce film, on palpite, on frémit, on est pétri d'angoisse, ou on a la nausée. Néanmoins, ce film ne laisse pas indifférent, et ne peut que toucher le spectateur au plus profond de son inconscient.

Un film à voir à tête reposée, et dont la puissance cathartique vous prendra à la gorge pour longtemps.

Myrha