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En Asie, le lapin de Playboy se refait une virginité

Delirium

Qui a dit que le lapin de Playboy était un symbole érotique? En Asie, le groupe américain éditeur du magazine de charme a pris ses distances avec ses sulfureuses playmates en misant sur les grandes oreilles de l'emblématique animal pour séduire chastement un large public.

Plus besoin de carré blanc, il s'affaire désormais entre Hello Kitty, la petite chatte ingénue, et le singe facétieux de la marque Paul Frank. Le lapin avait été choisi par le célèbre milliardaire Hugh Hefner, fondateur du groupe, pour "sa connotation sexuelle". Mais désormais, "Playboy doit positionner sa marque différemment sur le marché asiatique, et ils y sont déjà plus ou moins parvenus", selon Susan Genulius, du cabinet de conseil Keysplash Creative, auteur d'un ouvrage sur le groupe. "Dans ces pays, ce sont les produits dérivés qui vont être la poule aux oeufs d'or".

A Bangkok, dans les rayons où s'alignent vêtements rose fluo, ceintures en strass, sacs à main et chaussures à talons, flâne un essaim de jeunes filles, quelques écolières en uniforme, une mère et sa poussette. "Nos clients sont surtout des jeunes femmes entre 20 et 30 ans. Mais l'après-midi, beaucoup d'adolescentes viennent après les cours", explique une vendeuse. "Ce qu'elles aiment avant tout, c'est le logo, parce qu'il est féminin et si mignon". Le groupe Playboy Entreprise reconnaît la baisse des revenus générés par son magazine, et mise désormais sur les dérivés. D'après les prévisions de son PDG Scott Flanders, le marché asiatique devrait peser pour 34% de ces recettes d'ici la fin de l'année, et rapporter 20 millions de dollars en 2012. Dans le monde, les dérivés ont rapporté 40,5 millions de dollars in 2010, contre 29 millions en 2009. Sarah Haney, vice-présidente du groupe, estime que Chine et Japon ont les deux plus gros potentiels. "Au cours de ses 57 ans d'histoire, Playboy a évolué (...) pour représenter le mode de vie à l'américaine, même dans les pays où il ne vend pas son magazine", explique-t-elle. De fait, malgré une prospère industrie du sexe installée en centre-ville, la législation thaïlandaise oblige les magazines licencieux à rester sous le manteau. Et en Indonésie, Playboy a dû retirer son périodique sous la violente pression des intégristes musulmans.

Mais la marque a désormais des magasins à Bangkok, Kuala Lumpur, Melbourne et Taipei, et un complexe de divertissement à Macau. Alors que l'horoscope chinois a plongé l'Asie dans l'année du Lapin, la mascotte de Playboy s'intègre à merveille dans l'univers des gadgets dont raffolent les Thaïlandais, estime Olivier Evrard, anthropologue à l'Institut de recherche pour le développement (IRD).

"C'est une société à logo, qui s'approprie les symboles et joue avec", explique-t-il. "Ils ignorent ou refusent de voir ce qu'il y a derrière la marque, qu'ils préfèrent assimiler à quelque chose de "sanook" ("fun", ndlr), sans lien avec l'industrie du sexe". A 39 ans, Nuchananj Iamsam-ang, t-shirt vert flashy estampillé, vient se réapprovisionner toutes les semaines. "Avec ses deux oreilles écartées, (le lapin) me rappelle le geste (en "V") que l'ont fait avec les doigts sur les photos pour avoir l'air cool".
Elle sait vaguement que son lapin préféré est lié à un magazine de charme. Mais ignore tout du riche homme d'affaires en smoking, la pipe à la bouche, que Hefner symbolise et qui constitue traditionnellement le coeur de cible de la marque. "Pour les filles, c'est adorable. Mais sur les hommes ça fait vraiment... efféminé".

AFP, mars 2011