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L'univers noir et romantique de Kreestal

Arts noirs

Kreestal est une jeune artiste grenobloise qui a créé une sphère, un univers mental par ses oeuvres et ses écrits qui nous transportent dans une galaxie de réflexion et de contemplations...
Voici un entretien qui je l'espère vous donnera l'envie de pénétrer dans son antre...

Vos travaux sont souvent emprunts de grands espaces et abritent des éléments organiques tels des arbres, des corps... il existe une relation importante entre le minéral et l'organique dans vos artworks, une dualité représentative d'un esprit «mélancolique»?

Oui, je pense que la relation entre le minéral et l'organique est très forte dans mon travail, tout simplement parce que je suis sans cesse à la recherche de la perfection, et plus précisément, d'une perfection naturelle, dans laquelle il serait presque possible de vivre. Quand je crée une image, j'imagine toujours un espace dans lequel j'aimerais me trouver, ou dans lequel je me trouve à ce moment-là, de manière plus ou moins métaphorique. Et évidemment se trouve dans mes images une grande mélancolie, qui peut certes être duale : comme l'écrivait Victor Hugo, « la mélancolie, c'est le bonheur d'être triste » ; je me demande alors si je ne prends pas un certain plaisir dans la tristesse et dans sa représentation. D'une manière plus générale, je vois la mélancolie comme quelque chose de naturel, dans le sens où elle est intimement liée à la nature, à sa contemplation. Observer la nature, l'écouter, être à l'affût du moindre signe qu'elle peut faire à mon encontre, sont des sources inépuisables d'inspiration pour. Je cherche à me confronter à cette nature implacable, et à faire travailler ensemble mon empathie pour l'environnement dans lequel j'évolue, et les symboles que je trouve sur mon chemin. Représenter le minéral et l'organique en même temps est également un moyen de me représenter telle que je suis à la vie et au cours naturel du Temps. C'est peut-être essayer de laisser une sorte de témoignage de mon passage sur Terre, qui sait... J'aime aussi chercher les points communs entre le minéral et l'organique, par exemple voir comment un paysage peut prolonger le corps d'un être organique, comment la nature peut, parfois mieux que quiconque, comprendre ce que l'on ressent, ou au moins, le représenter en son sein.

La présence de planètes est quasi-constante, sont-elles pour vous des symboles, si oui lesquels...?

Il y a plus de cinq ans au jour d'aujourd'hui que j'ai intitulé mon univers intime « La Lune Mauve », qui est entre temps devenu un site web personnel et culturel. « La Lune Mauve » représente pour moi un endroit inaccessible, un jardin secret dans lequel je peux me réfugier de temps à autres, pour y rêver surtout, mais aussi pour y réfléchir et pour créer. Par extension, les planètes et les mondes imaginaires ont presque toujours envahi mes images, car l'espace et ses éléments représentent pour moi un moyen d'évasion onirique incroyable. Je suis toujours fascinée par les documentaires consacrés à l'astronomie, à la création de l'univers... Cela me fait réfléchir aux origines de la vie sur Terre, et aux origines de l'espèce humaine, donc à mes propres origines, qui selon moi dépassent largement la simple filiation familiale. Mes références aux planètes, à l'espace, et à l'infini, sont autant de références à la nature et à cette espèce de déterminisme naturel qui m'échappent. Cela m'aide à me remettre à ma place, et à rester humble. Les planètes me semblent presque irréelles, tant elles me semblent immenses et lointaines, et souvent je rêve de pouvoir me retrouver sur une autre planète viable que la Terre, forcément lointaine, sur laquelle les tourments et la routine ne m'atteindraient plus... Elles sont donc un symbole d'évasion, de prise de recul et d'humilité, mais aussi un symbole de puissance créatrice, telles des muses inaccessibles.

Les grands espaces semblent soutenir une volonté d'évasion vers un monde « transcendantal ». Quelle est votre recherche artistique personnelle, que souhaitez vous apporter aux spectateurs et à vous-même?

Je dois ma créativité à ma mère, qui à mes yeux a toujours été un modèle de travail, de conviction et d'imagination. J'imagine que j'ai voulu devenir comme elle, et c'est aussi que j'ai commencé à dessiner depuis que je sais tenir un crayon dans ma main droite. N'ayant suivi aucune formation artistique, j'ai tout appris sur le tas, au fil du temps et grâce aux rencontres que j'ai faites ; aussi je pense que ce serait usurpé que de dire que j'ai une « recherche artistique ». Créer me libère de tout un tas de démons personnels, de tensions, d'interrogations ; en ce sens, je crée de manière très égoïste, pour mon propre plaisir, pour mon propre appaisement. Mais le plaisir que je ressens après avoir terminé une image est de très courte durée, et je suis sans cesse en train de gribouiller, de griffonner, des mots, des visages, pour commencer tout de suite quelque chose de neuf. Je suis une éternelle insatisfaite, et j'ai souvent l'impression que mon travail ressemble au châtiment de Sisyphe ! Quand je crée, je ne pense pas aux réactions des personnes qui verront mon travail, je me concentre avant tout sur la technique, et sur la signification de l'image ou du texte que je suis en train de créer. Parfois, certains commentaires percent la bulle dans laquelle je m'étais mise en créant, en me faisant remarquer, souvent de manière très terre à terre, que tel ou tel élément ou mot fait penser à telle ou telle chose, alors qu'a priori cela n'était absolument pas mon but. Disons que je crée mes images en étant vraiment renfermée sur moi-même, de manière extrêmement solitaire, en pensant à tout un tas de sentiments et de ressentiments, qui au final ne sont pas forcément lié avec le résultat final. Certaines de mes images, comme « snowqueenhibiscus » ou « Absolute Baroque », n'ont pas de signification particulière. C'est aux spectateurs d'y voir ce qu'ils veulent. D'autres en revanche font implicitement référence à des évènements personnels, comme « Inhale Exhale » ou « Masquerade » , que je n'arrivais pas à exorciser autrement qu'en les représentant de manière picturale. Et encore aujourd'hui, ce sont mes travaux les plus personnels que j'ai le plus de mal à reconnaître et à apprécier. Créer m'apporte autant de plaisir que de peine, parfois, à tel point que pendant certaines périodes je n'arrive à rien et suis mécontente de tout ce que je tente vainement de représenter, car cela me dérange trop de mettre à plat, en public, des souffrances que j'ai dans le ventre.

Peut-on considérer vos travaux comme une expérimentation d'un mode d'expression émotionnel, cérébral...?

Je ne vois pas mes images comme « cérébrales ». En revanche, elles sont émotionnelles, oui. Elles font toutes référence à la mélancolie latente dont je parlais tout à l'heure, à une contemplation romantique quasi-hypnotique, et à une envie de jouissance paradoxale et démesurée. J'imagine que certains spectateurs doués d'empathie verront dans certaines de mes images des éléments qui leur rappelleront des évènements ou des émotions qui leur sont propres - après tout, n'est-ce pas ce que nous recherchons toutes et tous dans la création d'autrui ? Cependant je ne peux pas vraiment parler de « communication », si ce n'est de communication avec moi-même et moi seule. Si quelques spectateurs retrouvent dans mes images des éléments familiers, j'en suis heureuse, mais cela n'est pas l'objectif premier de mon processus de création – si processus il y a.

Vos artworks prônent-ils un nouvel idéal féminin, une nouvelle Lilith ?

D'après ce que je sais du personnage, il me semble que Lilith représente, dans une culture judéo-chrétienne très patriarcale, la « mauvaise femme ». Lilith était une femme libre, qui s'ennuyait à mourir auprès d'Adam, son premier mari, et qui décida de le quitter et de quitter l'Eden, pour vivre sa vie de manière passionnée dénuée de tout tabou, notamment dans sa vie sexuelle. Les mythologies religieuses diverses l'ont transformée au fil du temps en une divinité nocturne et maléfique, « s'accouplant » comme un animal et assassinant les enfants. Elle représente, en définitive, la première femme, la femme libre par excellence ! Elle fait donc peur aux gardiens de cette vieille culture patriarcale que je juge obsolète, pour qui les femmes ont toujours été du côté organique, sombre, humide et sale des choses, par opposition aux hommes, qui eux ont toujours été placés, par l'imaginaire collectif, du côté du concept, de l'âme, de la philosphie, et du sacré. Dans cette perspective, non, les personnages féminins que je représente dans mes images ne sont pas là pour continuer à véhiculer ce type de constructions culturelles, fortement connotées en défaveur des femmes. Cependant, en faisant abstraction de l'interprétation discutable qui a été faite de Lilith, si on la considère comme une incarnation d'une femme libre, oui, mes personnages féminins sont libres et ne subissent aucune contrainte mâle. Etant moi-même un être de sexe féminin, je suis à la recherche d'un absolu mixte, dénué de toute représentation fallacieuse et obsolète des rapports entre les deux sexes. Cependant, je représente avec davantage de plaisir les femmes plutôt que les hommes, tout simplement parce que je pense en être plus proche, et que, à mes yeux, les corps des femmes sont en général dotés d'une aura particulière qu'il me plaît d'essayer de saisir. Lilith me plaît comme symbole de l'égalité des sexes et de l'hédonisme.

L'érotisme présent dans vos oeuvres révèle-t-il un idéal féminin comme le représente Luis Royo (c'est-à-dire femmes inspirées-inspirantes, déesses et princesses de l'origine du monde, mais étant aussi et avant tout des êtres sexués)?

Je pense que ce que je fais diffère fortement du travail de Luis Royo. Déjà, à la base, je suis une femme, il est un homme, nos visions et nos représentations des femmes sont donc sexuellement marquées. Royo représente la femme souvent nue, et souvent comme objet de désir pour le spectateur. Il s'agit d'un certain « idéal féminin » qui n'est absolument pas le mien ! Certes, l'érotisme m'inspire beaucoup dans la mesure où il touche au corps, aux corps, et que le corps, d'une manière générale, me passionne, tant dans son absolu que dans les interprétations culturelles et politiques qui en sont faites depuis la nuit des temps. L'érotisme m'intéresse par son aspect absolument organique, j'aime avoir la sensation d'utiliser tous mes sens quand je crée. Je n'ai représenté une femme mi-nue que sur « Serenity Painted Death », qui représente une espèce de cauchemar, un peu comme dans le tableau « Le cauchemar » de Heinrich Füssli. Le personnage féminin aurait pu tout à fait être un personnage masculin à demi nu ! Tout est une question de grâce et d'opportunité, selon moi. Mais en mettant en relation ce que je disais tout à l'heure sur mes inspirations et sur la projection de mes sentiments personnels dans mon travail, vous comprendrez certainement que je me représente davantage par le biais de personnages féminins que de personnages masculins ! Et puis, il est déjà très difficile de trouver des modèles féminins, alors des modèles masculins... c'est une autre histoire. Si je travaillais avec des modèles masculins enthousiasmants et enthousiastes, nul doute que je représenterais autant le corps masculin dans mes travaux que le corps féminin.

Les tons de vos artworks sont d'une harmonie gracieuse et enveloppante qui laisse transparaître un attrait pour le gothisme (j'entends par là profondeur et recherche de pureté de sentiment et de mysticisme et intérêt pour les choses métaphysiques). Dans vos photos on découvre des photos d'art religieux (anges, croix). Peut-on parler d'une recherche de religiosité dans vos travaux, est-ce une fascination christique ou artistique?

Merci de partager cette analyse avec moi ! Je n'aime pas le mot « gothisme », selon moi le suffixe « -isme » a une connotation trop péjorative. Je préfère parler de culture gothique, et d'esthétique gothique (qui existent de manière indépendante, bien qu'elles se complètent souvent). Certes, je puise beaucoup d'inspiration dans l'esthétique gothique du XIXème siècle, que l'on retrouve dans les cimetières que j'ai photographiés. D'ailleurs, quand on visite des cimetières modernes à l'affût d'une belle photo, on se rend vite compte que tout ce romantisme et tout ce spleen, qui, je pense, sont au cœur de l'esthétique gothique, appartiennent résolument au passé d'un point de vue strictement architectural. La photographie est un bon medium pour qui veut tenter d'immortaliser des moments entre lui et l'environnement. Il s'avère que certaines de mes photos représentent des tombes d'obédience catholique, cependant il ne s'agit pas, de ma part, d' « art religieux ». J'ai photographié ces tombes et ces statues dans un élan romantique, dans lequel une quelconque divinité n'a pas sa place (sauf si l'on considère que la nature peut être assimilée à une divinité...). La religion a souvent été un prétexte pour de nombreux artistes de s'adonner librement à leur discipline. En ce qui me concerne, je n'utilise l'esthétique religieuse que dans un but purement artistique, et absolument pas de manière « christique ». Mon travail n'a ni sexe ni religion, c'est une entité libre.

Je vous invite à découvrir l'art de Kreestal sur ses sites:

www.lalunemauve.org
www.aenemya.com
kreestal.deviantart.com
kreestal.deviantart.com/prints/

Kreestal se met à disposition de tout groupe de musique, même amateurs, en pénurie de pochette pour leur album ou recherchant une atmosphère noire...

Je vous invite à la contemplation avec ses quelques oeuvres du regitre de Kreestal...

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The Princess Killing Queen