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Le hip hop, soupe musicale favorite du système

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Musique

Ils seront tous là ! Sexion d'Assaut, IAM, Orelsan, La Fouine, Youssoupha, Psy4 de la rime : la fine fleur du hip hop français se réunira le 28 septembre prochain au Grand Stade de France, à l'occasion d'un concert géant qui sera placé sous le signe de la paix et de la solidarité urbaine. Tout un programme... Déjà omniprésentes sur les médias, comme peuvent l'être sur un registre comparable le tag ou le graffiti, les musiques urbaines bénéficieront d'une promotion hors normes qui sera à la mesure de l'importance d'une manifestation commerciale coproduite à grands frais par la chaîne de radio Skyrock et le label de musique Universal.

Devant pareille perspective, il sera permis de ne pas faire ici chorus avec tous ceux qui considèrent abusivement le hip hop, le rap ou ses différents avatars, — tel le récent phénomène planétaire du Harlem Shake — comme l'expression musicale aboutie d'une subversion sociale exemplaire, là où chacun devrait n'y voir que le énième produit dérivé de la sous-culture de masse importée des États-Unis, habilement valorisé depuis près de trente ans par les multinationales de l'entertainment.

Il sera pardonné ensuite à l'auteur de ces lignes ne pas porter aux nues un genre musical d'une médiocrité sidérante, qui glorifie à outrance la société de consommation (en idéalisant partout le sensationnel et l'argent-roi), qui attise perpétuellement les instincts les plus bas (de la violence au machisme en passant par l'usage des stupéfiants), qui adopte le parti pris systématique de la brutalité et de la vulgarité (dans sa ligne mélodique, dans ses codes vestimentaires comme dans son expression visuelle) et qui cultive ad nauseam une rhétorique rudimentaire largement contaminée par un anglais de bas étage et dont la pauvreté pathétique du langage parvient sans guère d'effort à lui faire atteindre le degré zéro de la pensée.

Il sera encore admis, avec la politique de soutien massif apporté par les pouvoirs publics à ces pratiques musicales régressives, de voir dans ce travers contemporain de la puissance publique la manifestation complaisante du poids du conformisme intellectuel ambiant qui terrorise la plupart de nos élites, là où les édiles de la République devraient s'appliquer partout, dans nos banlieues plus qu'ailleurs, à encourager des politiques culturelles authentiques, propres — suivant une disposition d'esprit que d'aucuns qualifieront sans doute de réactionnaire — à magnifier le beau et à élever l'âme.

Il sera enfin tenu pour acquise cette évidence sociologique suivant laquelle l'expansion irrésistible de la sous-culture urbaine — qui s'est enracinée dans l'Hexagone en déstructurant la personnalité fragile de certains de ses adeptes, les uns en quête de sens, les autres en proie à une perte de repères, non sans favoriser simultanément un mode de sociabilité qui demeure largement ancré dans un communautarisme tribal attentatoire à bien des égards à l'unité de la nation — n'est probablement pas étrangère au développement d'une insécurité croissante qui ne gangrène que trop la quiétude de nos territoires.

À bien y regarder, ce dévoiement des cultures urbaines contribue — au même titre que le déclassement socio-économique des populations habitant en zone péri-urbaine ou les angoisses identitaires nées de l'irruption anxiogène de l'islam en France — à façonner significativement cet autre phénomène récemment détecté par nombre de sociologues : l'émergence dans une société française aujourd'hui atomisée d'une insécurité culturelle grandissante qui domine l'esprit de bien de nos compatriotes. S'il n'est pas question de bannir les pratiques culturelles urbaines de l'espace public, est-il besoin, par une propension accablante à céder à la démagogie du temps présent, de les flatter en permanence et de les subventionner sans mesure pour le plus grand profit des industries du divertissement ?

Karim Ouchikh ( http://www.bvoltaire.fr)