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Le dernier combat de la horde noire

Société

Nous sommes réveillés, encore quelques peu embrumés par les célébrations de la veille, certains près des cendres du grand feu, les autres dans les huttes circulaires que l'on occupe parfois.

Chacun vaquait à ses activités. Pour ma part, je conversais avec une femelle qui cette nuit avait rêvé de l'infâme passé.

« J'ai revu le temps où les humains régnaient en maîtres absolus. J'ai revu leurs grandes tours grises vides de toutes vie, leurs blocs de bétons crachant la fumée malsaine, pourrissant ciel et terre, leurs édifices de pierres grises et mornes où parlaient leurs gourous, pourrissant âmes et esprits. Je les ai vu se trémousser devant un cadavre et l'image invisible de son dictateur de père, avant de baver devant des écrans leur exposant des anges de plastique. Puis je me suis réveillée, et j'ai vu le soleil à travers les nuages, et l'air frais emplit mes poumons. La joie éveilla mon être en pensant que tout ceci n'est q'un souvenir mal gratté, que l'ultime assaut est proche. »

Et comme pour faire d'elle une devineresse, le son de leur marche régulière parvint à nous. Nous levâmes nos têtes, sourire aux lèvres, tentant de percevoir le troupeau, encore trop lointain pour être vu. Nous nous saisîmes de nos armes et de nos instruments, nous postant en haut de la colline entre quelques pierres levées vers le ciel. Certains avaient commencé à jouer, d'autres hurlaient à la face de l'invisible masse. Aucune discipline ne régnait parmi nous, car tous nous ignorons le mot « ordre », les seules choses auxquelles nous sommes soumis sont les rouges torrents qui parcourent nos veines.

Alors ils nous apparurent en contrebas, eux, les derniers de leur race, pas tout à fait des robots, plutôt des singes dégénérés bouffés par les barrières de leur esprit. Des zombies, les orbites remplis de globes oculaires rendus énormes par la contemplation de leurs désirs cathodiques insipides. Leur « males » menaient la marche, artificiellement imberbes et empestant jusqu'à nous un immonde mélange de fragrances chimiques. Les « femelles », suivant docilement la marche à quelques pas d'écart, avançaient tantôt tête baissée, tantôt l'allure altière, arborant une coiffe sculptée dans le plastique juchée sur un corps nauséabond fait de la même matière. Leur pas suivait le rythme régulier d'une cacophonie sortie du néant où se mêlaient impulsions électroniques, vocalises fades évoquant la niaiserie de leur amour, sons de guitares rappelant les antiques chewing-gum et foules d'autres preuves de la capacité artistique de leurs machines du passé.
Certains d'entre eux munis de casquettes et de pendentifs clinquants scandaient en postillonnant de frustrations des phrases dans lesquelles ils exprimaient leur mécontentement de ne pas être à la place de ceux qui menaient la marche. A leur coté, d'autres groupes de personnes portant des tenues homogènes étaient présents : statues de cire à la coiffe lisse qui gémissaient de concert ; individus vêtus de couleurs vives avançant mollement au milieux d'un épais nuage de fumée de paraffine; insectes humains habillés de vert et se repaissant de cachets, parcourus de spasmes mono rythmiques, avatars de leur propre destruction.
Il était amusant de voir que près d'eux se trouvait un rassemblement de pauvres hères arborant comme certains d'entre nous une crinière libre et des peintures de guerres. Quelques uns exhibaient leurs canines en émettant une voix suraiguë que même un chat dont on broierait les testicules aurait du mal à produire.
Ils voulaient nous ressembler, semble-t-il, mais comme avant ils marchaient avec les autres. Plus de confusions possibles désormais : le tri était fait.

Nous entendîmes gronder le tonnerre et, sous aucun autre ordre que celui d'une impulsion commune, nous levâmes nos épées de noir métal en direction du ciel. L'éclair nous frappa, et transmis sa puissance à nos instruments dont nous nous mîmes à jouer. Certains frappaient la terre de leurs masses et même de leurs poings, créant ainsi un rythmique furibonde, tandis que d'autres faisaient danser leurs doigts sur les cordes, produisant les sons appris du blizzard et de la lave.

De part et d'autres, les pierres étranges se voyaient entourées de la spirale ophidienne qui tournait autour de nous, serpent chtonien dont nous avions réveillé l'éternelle puissance. Puis la splendide aura noire pénétra celles et ceux qui hurlaient leurs haine envers cette erreur de la nature que constituait la masse ennemie, déferlant sur elle tel une lame de fond.

Leur corps déjà sans vie tombèrent en grand nombre, mais ils étaient nombreux, beaucoup plus que nous comme il en a toujours été. Les chantres de la puissance combinée des éléments et de notre musique enragée finirent par se voir peu à peu décimés, tandis qu'au dessus de nos ennemis un être ailé émanant une lumière de néon dardait ses rayons stériles vers nous.

Par leurs prières et leurs supplications, ils avaient évoqué leur terrible maître, qui sans eux n'est rien.

Notre musique avait réveillé bien plus puissant que lui.

En provenance de la foret derrière nous, là où se trouvaient le Sombre Trône, nous entendîmes les hurlements réunis du loup du Ragnarok et du Culte Nocturne. Répondant à leur appel, le croassement du corbeau annonça à nos cotés la venue des trois Immortels, prêts à offrir a nos ennemis les Vielles Funérailles, épaulé dans ce rituel par l'Hadès tout puissant. L'Empereur des ages anciens resurgit de la terre, et nous apercumes à ses cotés le grand roi des frayeurs, accompagné du Mort et du détenteur du Marteau Infernal, sur le point de déclencher dans leurs troupes si ordonnées le Vrai Bordel. Des fumées de l'Ether sortit un drakkar dont l'équipage était, à l'époque de la gloire humaine, en esclavage, mais qui maintenant maîtrisait la puissance des géants.

En un fracas assourdissant, tous se jetèrent dans la bataille, réduisant le gros de leurs troupes en cendres bientôt éparpillées par les vents. Mais leur dieu nous donnait du fil à retorde, comme sa main droite s'appelle Escroquerie, et sa main gauche Récupération, faisant tour à tour cesser notre musique ou la transformer en bouillie immonde.

Alors nous fîmes appel aux plus anciens. Derrière nous se profila la comtesse vampire aux allures de valkyrie, précédée par le dieu du temps crachant sur eux son Venin, tandis que se répandait le froid celtique. Mais leur maître tint bon, et transforma les deux grands en une pale copie d'eux même, faisant subir le même sort aux gardiens du Sombre Trône.

La victoire semblait leurs appartenir : les Immortels et l'Empereur avaient disparus à jamais, ainsi que le roi de frayeur et le Mort. Restait celui qui brandissait le Marteau Infernal, mais il semblait perdu, l'utilisant comme un xylophone tordu. Seuls combattaient Hadès et ceux qui avaient été esclaves, avançant toujours plus loin dans l'exploration de leur génocide.

Nous sûmes alors que le temps était venu pour nous d'alourdir le tempo. Les grandes vagues dévastatrices de notre musique, qui devenait la véritable illustration de la bataille, atteignirent leur but: derrière la Lune vagabonde apparut l'antique dieu de la guerre, Ares. Ils nous appela (Come to me, mortals !), et avec lui nous nous abattîmes sur les légions du néant tel un massif marteau de guerre sur une pomme pourrie. L'ange tenta de nous arrêter, mais il n'était plus seul au dessus de nous : son équivalent morbide porté par des ailes de lave, accompagné de sa nombreuse suite, l'emmena bientôt vers le labyrinthe des tourments.

L'orage cessa. Haletants, nos corps et nos coeurs épuisés, nous contemplâmes l'efficacité des Anciens : ne restait plus de nos ennemis que des corps calcinés ou des amas de chairs indémêlables. Nous entendîmes les pas lourd du géant gore, celui qu'entre nous nous appelons le corps cannibale, qui vint avec lourdeur se repaître des quelques tripes encore intactes. Puis il réintégra le royaume des sons dont tous proviennent, nous laissant à nos réjouissances et nos éclats de voix victorieux.

Le grand feu fut rallumé, et tous nous nous mimes à danser aux rythmes des hymnes folk-loriques que nous prodiguait la Tempête, échangeant nos fluides, nous tapant une putain de grosse murge à la Sikaru.

Olskayl - mars 2005