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Le public métal, une famille en or

public métal

Société

Ah ! Le concert métal ! point culminant de la vie métallique pour beaucoup, cette activité du week-end se révèle trop rare de nos jours, de l'avis général, alors qu'elle est pourtant l'occasion de saluer toutes les personnes que l'on critique jalousement par derrière le reste du temps, et aussi d'exhiber ses attributs métalliques achetés à prix d'or dans les catalogues de V.P.C., parfois dans le but de gagner le concours implicite du plus " evil " de la salle ce soir-là.

Je passe sur les irréductibles rebelles qui préfèrent rester sur le parking à boire des bières au cul du véhicule en se plaignant de l'affiche minable de la soirée, et franchissons les portes de la salle. Et là, on se sent enfin chez soi, au chaud, en famille pour ainsi dire. Il est vrai qu'on ne choisit pas toujours sa famille, et celle-là comporte, à l'instar des autres, toute sortes de personnalités, des plus pathétiques aux plus détestables. La salle de concert comporte en fait plusieurs zones bien définies, lesquelles renfermant chacune une faune spécifique ! Voyons plutôt :

En entrant, nous repérons rapidement le bar, croulant déjà sous les cannettes vides et le poids des outres accoudées : hurlant comme des wapitis en rut, refaisant la scène métal française et mondiale à grand coup de " ce groupe, c'est vraiment de la merde " ou " Putain ça au moins c'est de la zique pour hommes ! ". Certains de ces fidèles piliers de bars tentent une énième fois de draguer lourdement la serveuse, en espérant un coup gratuit, de nature sexuelle ou alcoolique, peu en importe, d'ailleurs : un coup est un coup !

Dirigeons-nous vers les stands merchandising, généralement tenues par des minettes prêtes à brader tout le stand, sauf leur corps, à notre plus grand dam ! Mais nos quelques euros ont déjà été dépensés à l'entrée et au bar...

Ainsi muni d'un début d'érection, des beuglements et des larsen donnent soudain à penser que le groupe d'ouverture entre en scène. Il est temps maintenant de traverser les diverses strates de la foule chevelue pour s'en approcher. On s'aperçoit alors qu'un premier cercle très fermé de suspicieux et blasés se forment au fond. Balais dans le cul et bras croisés semblent être le mot d'ordre de cette troupe d'élite qui ne daigne pourtant pas décrocher le moindre sourire même au voisin immédiat, sauf pour se réjouir intérieurement, de longues minutes, d'un pain anodin du groupe en scène, quasi-imperceptible mais guetté et attendu depuis le début de la prestation... On y trouve des anciens blasés et/ou aigris, jaugeant les plus jeunes à l'aune de leur immense talent ou des jaloux maussades, dont la simple vision de la scène leur renvoie le souvenir du groupe qu'ils n'ont jamais pu créer eux-mêmes, car trop " élitistes " ou peut-être bien trop " misanthropes ". Au terme d'un subtil assaut alliant jeu de coudes et plates excuses, au rythme des regards noirs fustigeant ainsi l'enthousiasme de ceux voulant voire réellement le concert, il est tout de même possible de percer ce filtre humain, véritable remède contre l'enthousiasme...

Nous tombons ensuite dans l'espace des curieux plus ou moins froids, venus par erreur ou attendant le groupe suivant. Des parents effrayés accompagnant leur mioche rebelle de 15 ans, soudainement moins apathique qu'à la maison à l'heure des devoirs, ou des copines recrutées de force pour soutenir le groupe peuvent avantageusement compléter ce rang. Pourtant, prêts à participer à l'ambiance, il se laisseront aller a certains cris de soutien pour répondre à un charismatique " ça va ce sôôiir ? " lancé par le chanteur, ou à des applaudissements polis, ce qui leur vaudra la réprobation du rang précédent, mais par encore l'adhésion des premières lignes...

Subitement, la densité et la température montent : nous voici dans le centre névralgique du concert, le lieu ou la sueur va perler, les clous vont briller, les touffes de cheveux ventiler l'air putride, et le sang gicler enfin! la fosse est donc un lieu décisif : c'est là que se font les baptêmes du feu et défont les réputations, au cours de head banging, po-gos et stage diving insoutenables. A ce titre, nous pouvons donc comparer la fosse à une arène ! Sous l'œil blasé des photographes présents ici dans un dessein différent, et celui bien plus attentif des gorilles de la sécu qui se veulent dissuasifs, se déroulent les combats de coq, engageant des jeunots de tribus diverses venues se jauger et se frictionner ici. C'est également un beau baromètre de la popularité du groupe en scène, à la vue du nombre de kids s'agitant ici. Bien entendu, c'est l'espace de tous les vices, du brassage des looks, de la joie spontanée, honni par les occupants des autres rangs ! Là peuvent se croiser un thrasheur semblant échappé des '80 grâce à une faille spacio-temporelle, avec sa veste alourdie de patch et badges ringards, un gros tas torse-nu tout luisant ne jurant que par le stage-diving et que nous rattrapons malgré nous toutes les 5 minutes par charité, un éleveur de clous de 15 ans arborant l'inévitable " Fuck me Jesus " mardukien en tee-Shirt, un adepte de Korn qui c'est gourré de concert, sautillant et bondissant sur place avec son poignet gauche dans le dos, mais aussi des poufs pseudo-gothiques maquillées comme des pots de peinture et drapées aux armes de Cradle of Filth et aimant se faire tripoter pendant de longs stage-diving, et bien d'autres encore tout aussi engageants. Bref : la plèbe vulgaire et excitée, la masse informe et anarchique, la foule groupant à elle seule un seul cerveau ! Mais aussi le noyau dur, les " die-hard ", les vrais fans envers et pour tout de ce qui se fait sur scène, sans retenue ni tabou !

Face à ce spectacle haut en couleur vient immanquablement le moment de la vidange obligatoire, la vessie ayant atteint les 3 litres réglementaires! Un grand moment de poésie que voilà : le passage aux chiottes ! Facile à trouver, il suffit de suivre les gens titubant et les relents de pisses chatouillant de plus en plus près nos narines, qui, heureusement, en ont vu d'autres ! C'est là que les plus téméraires, souvent les plus jeunes, renvoient généreusement ce qu'il ont ingurgité un poil trop vite, dans le cadre merveilleux de murs et rebords de cuvette repeint d'un jaune urine aussi seyant qu'odorant. Les lavabos sont forcément bouchés, recueillant les flotteurs les plus improbables, savon et serviette inexistants, ou alors déjà répandus et piétinés sur le sol par des dizaines de rangers... Par contre, l'ambiance y est toujours fraternelle, quoiqu'un peu viril : une bonne âme sera toujours là pour vous apostropher, surtout si vous êtes en situation difficile : " hè, mec, toi aussi tu viens pour la seconde couche ? " ou encore " Ce groupe est vraiment à chier, c'est lui qui devrait aller aux chiottes ! hu hu ! ".

Mais alors, ou se situe l'auteur de ce brûlot facile, penseront certains qui me diront qu'il est facile de critiquer tout le temps tout le monde, en se croyant supérieur aux autres ? Eh bien partout à la fois, je navigue librement, au gré de mes goûts et envies, comme devrait le faire chacun des personnages décris ici, sans gêne ni constipation aucune !

Autocrator, mai 04