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Ma théorie de la marginalité - Partie I

Société

 

- Partie I : « La norme ».


Bonjour à vous tous, chers lecteurs et amis de La Horde Noire, chers Camarades de Cultures Sombres et d'Idéaux Simples et Rustiques. Cela fait un certain temps, depuis la fin de l'année 2022 en fait, que je n'ai pas pris mon clavier pour vous concocter un pamphlet exalté et dégoulinant de nébulosités sombres comme j'en ai l'habitude. 


Aujourd'hui, point n'est question de « Réquisitoire Trollo-Desprogien ». Il va être temps pour moi de laisser une trace, pour l'histoire. Bien évidemment, ce ne sera même pas une note de bas de page, fût-ce dans un éventuel futur travail de sociologie sur le Black Metal et les membres, participants et soutiens de notre musique adorée. Non, il s'agit plutôt ici de laisser une trace de ma pensée, de mon leitmotiv idéologique, pour tout dire, d'une partie de ce qui définit ma « vision du monde » depuis maintenant de nombreuses années. 


Et, je vais être très clair, je n'en ai rien à foutre si certains esprits suffoqués considèrent ce texte comme une « trace de pneu » dans le caleçon du Black Metal !


Je vous ai parlé de la « norme », je ne sais combien de fois, dans tous mes écrits. Trop pour certains sans doute, ou trop vaguement pour d'autres … Ce texte n'y fera pas exception. Alors, j'ai choisi de dessiner les contours de ma propre « Théorie de la Marginalité ». 


Peu importe, que je passe au pire pour un sociologue raté (mais qui donc sur Twitter ne l'est pas …), au mieux pour un Blackeux et un Troll définitivement pas comme les autres. Et le premier volet de ce triptyque va exposer ma définition, ma vision, et mon regard sur la « norme », justement. D'où la vignette du texte spéciale « Rêve Français », qui a pu vous surprendre, j'en conviens.


Qu'est-ce que la « norme » ? Qu'est-ce qu'être « normal » ? Et surtout, pourquoi s'y résigner, vu le monde dans lequel nous sommes, les situations avec lesquelles nous sommes forcés d'interagir ? Eh bien … pour moi, la « norme », la « normalité », c'est avant tout une histoire de « compromis ». De renoncements, de soumission, diront certains, et les Anciens Dieux savent que je ne leur donne pas tort. 


Il s'agit, pour plaire aux « gens » (« les gens sont des cons », n'oubliez pas ça), de délaisser toute forme, aussi insignifiante soit-elle, de différence, de particularité, d'aspérité, de libre arbitre, d'esprit critique. Il convient aussi, toujours pour plaire, d'être « consensuel », de ne pas faire de vagues, de « bouffer du cirage pour briller en société », comme disait Coluche.


Vous allez voir où je veux en venir. Faire des compromis, renoncer à certaines choses, pour plaire aux « gens » et à la « société », est une petite victoire pour eux, et une défaite pour nous. Collectivement, en tant que groupe rassemblant des individus se revendiquant d'une culture marginale, mais … surtout individuellement. 


Cela peut inclure, selon les définitions et appréciations personnelles :


    le fait de renoncer à porter fièrement sa dégaine de Metalleux ;
    le fait de ne plus autant, voire plus du tout, écouter de Metal ;
    le fait d'oublier et d'enterrer un idéal de vie plus simple et ô combien plus en accord avec nos valeurs que le sinistre « rêve Français » ;
    le fait de revenir sur ses idées politiques ou convictions religieuses en lien avec le Metal extrême, quelles qu'elles soient ;
    l'adoption de la « culture de masse » en lieu et place de nos références musicales, littéraires, cinématographiques et artistiques adorées ;
    … Etc.


Je pense que là, déjà, nous touchons quelque chose, Dieu me tripote (… merci mon Dieu !) Eh oui, dans mon vocabulaire, « compromis », « compromettre », peut avoir un double sens, selon les circonstances et les individus à qui l'on parle. Cela peut tout aussi bien vouloir évoquer « promettre aux cons » ! 


Selon le plus profond de ma pensée, la « norme » englobe tout autant des renoncements (voire des trahisons) idéologiques, culturels, politiques, que le paraphe sur la proclamation de la victoire du matérialisme absolu. Je vais en conséquence à nouveau tartiner joyeusement sur cet aspect précis …


Il y a donc les pavillons dégueulasses et tous semblables, les anciennes terres cultivables bétonnées et les parkings de zones commerciales jusqu'à 20 kilomètres des centre-villes devenus invivables, les nuisances de toutes les sortes et leurs adorateurs (si vous n'êtes jamais sorti en ville un soir de demi-finale de coupe du Monde, je vous envie …), les SUV – symboles de l'inutilité totale, pourquoi faire s'accoupler une berline avec un faux 4x4 sinon pour « donner un goût d'aventure » qui s'estompera dans les ronces ? -, la vie (et la mort) à crédits, la nouvelle folie des voitures électriques (et d'où viennent donc les métaux rares des batteries ?), la monstrueuse connerie du « développement durable », les écrans plats dégueulant leur soupe mi-bobo 10è arrondissement de Paris, mi-racailles de soi-disant « territoires perdus de la République … 


… Et j'ai oublié, bien sûr, les pantins télévisuels farcis à la schnouff et grassement payés par des industriels qui exploitent tout … et tout le monde (ou presque), les « téléphones intelligents » que les prolos payent un SMIC pour « rester à la hauteur de leurs collègues de travail » quitte à bouffer des pâtes sur 6 mois, les nouvelles petites tyrannies à la con et leurs bataillons de décérébrés qui qualifient tout de -phobe, les éditorialistes auto-proclamés payés au rendement entre clips publicitaires et actualités volontairement anxiogènes et biaisées du soir au matin, les « peurs primaires » des incultes et leur vide culturel abyssal qui arrange bien les vendeurs de bouzin … Ad nauseam.


Mais alors, certains parmi vous, chers lecteurs et amis, pourraient me demander fort justement : « Dis donc, Krähvenn Sombrelance, selon toi, pourquoi est-ce si facile d'être 'normal', et qu'est-ce qui maintient ainsi les gens dans la 'norme' ? » Naturellement ! C'est vrai, ça ferait avancer la théorie ! Et voilà, avec les huiles Igol, on s'envole … Et avec les huiles Motul … Pardon, je m'égare. 


Je répondrai que ce qui maintient les 'gens' dans la 'norme' jusqu'à leur dernier souffle de vie tient en plusieurs aspects. Le conformisme, d'abord. Il est vrai qu'il est bien plus pratique et recevable socialement de « bien faire comme tout le monde » ou « de faire comme on a dit dans le poste » ! Ensuite, la panique … D'apparaître différent ou « marginal », justement ! Car qui prend ce risque prend aussi celui de littéralement se faire « bannir » des bayous grouillant de platitudes, de mièvrerie, de clones « bien comme il faut », et d'être alors forcé de trouver sa place parmi les cercles secrets de réprouvés dont nous faisons partie.


Pour moi, tout ça s'assemble, fait corps, et fonctionne comme un « Rubik's Cube ». Justement, qui d'entre vous connaît ou se souvient encore de ces cubes multicolores, jouet iconique des années '80, simple mais redoutable casse-tête qui a peuplé nos enfances ? Qui, parmi les jeunes de 15 à 24 ans, collectionne en 2023 les timbres-poste, a des trains miniatures, construit des maquettes plastique d'avions, de bateaux, de véhicules, fait des puzzles, passe son temps libre à lire des romans Fantasy/SF, des livres d'histoire, ou bien entretient d'autres loisirs considérés par les 'normies' du même âge comme « trucs de boloss » ? Très peu, je me doute ! 


Et il en est ainsi, chers lecteurs et amis, chers Camarades : la « norme » impose ses lois implicites, ses codes sociaux, « ce qui est bien vu » et le reste, « ce qui est à la mode » et ce qui ne l'est pas, ainsi de suite. Ayant personnellement plusieurs passions remontant à mon enfance, je sais bien de quoi je parle, pour avoir, dès le collège, été ostracisé parce que je ne me suis jamais intéressé … au football, aux fringues de marque, aux Pokémon, à toutes les conneries qui étaient « à la mode » et « indispensables » à l'époque. Alors maintenant, je n'ose pas un instant imaginer comment cela peut se passer dans les cours de collèges et de lycées.


Heureusement pour nous, dans un sens, et pour tant d'autres – je pense notamment aux derniers Punks et Goths Authentiques, aux Travellers en vieux camions, à tous les Marginaux de tous les Chalets et de toutes les Yourtes -  que les lois de la « norme » sont implicites, que ce ne sont que des « codes sociaux », des injonctions sociétales pourries certes … et pas de vraies lois inscrites dans le Code Pénal ! Faute de quoi, nous serions toutes et tous, moi le premier, « fichés N » pour « atteintes graves à l'intégrité et à la sécurité de la norme » et « mise en danger de la norme et de ses intérêts » ! Ce serait un véritable enfer … Mais tant que ce n'est que fantasmagorie de ma part, nous défions les cieux en grognant, nous blasphémons de nos voix rauques, et nous rions grassement face à la mort elle-même, Satan m'habite (merci mon Cornu !)


Vous pensiez, sans doute comme moi à une certaine époque, que la « norme » et ses injonctions sociétales pourries ne pouvaient en aucun cas empiéter sur votre vie privée, sur la façon dont vous la menez, sur le sens que vous avez toujours voulu donner à votre vie ? 


Si jamais vous assumez le fait de ne pas vouloir avoir d'enfants par conviction, la « norme » se chargera de vous rappeler la raison de son existence, par le biais de ses représentants les plus abrutis. Et peu leur chaut qu'ils n'aient aucun pouvoir décisionnel sur votre propre vie, sur votre couple, sur ce qu'il se passe dans votre lit ! Ils trouveront toujours une raison (peu originale) pour essayer de vous convaincre d'avoir un enfant, et à défaut, ils vous houspilleront, parce que « c'est pas normal de pas vouloir d'enfant à ton âge ». Je l'ai vécu tel quel … Autant vous dire que je me suis depuis tenu bien loin de ces « braves gens », qui pensent que l'ancien temps était béni, comme disent la plupart des vieux croulants et autres populistes avinés de comptoirs ! Et ma conviction de ne jamais vouloir d'enfants n'en a été que renforcée.


C'est aussi ÇA, ce que la « norme » a de plus détestable, de plus haïssable, de plus implacable, de plus parfait dans son fonctionnement même. Tout comme Rodolphe CREVELLE avait écrit « Le capitalisme est une fin du monde qui ne cesse jamais », la « norme » est pour nous un cauchemar dont on cherche à s'extraire, se réveiller, transpirant de sueur et tremblant de tous nos membres, … en espérant qu'un jour, elle ne soit plus qu'un souvenir d'un âge à jamais révolu.


L'immédiateté de notre foi en l'Underground face à la défaite annoncée du matérialisme


J'avais déjà effleuré l'idée de théoriser mon rapport à la « norme » au moment où je rédigeais mon premier triptyque de pamphlets sur notre foi en l'Underground. Voilà qui est entamé.


Quand bien même, idéologiquement, culturellement, politiquement, la « norme » est notre ennemie, et quand bien même nous en souhaitons ardemment la fin, les « gens normaux » ne sont pas nos ennemis jurés. 


Vous commencez à me connaître, je n'appelle jamais à la violence (gratuite ou pas), ni contre les biens, ni contre les personnes. Et j'espère bien que personne parmi vous, chers lecteurs et amis de La Horde Noire, ne sera pris de mauvaises idées ou pulsions à la lecture de mes textes.


Je ne suis pas un idéologue, ni un politique, ni un philosophe, ni un sociologue. Je suis un amateur de Metal extrême et d'Arts Noirs, comme vous, à la différence que je réfléchis sans doute un peu trop sur mon rapport au Monde et aux autres. Mon passé – dont je n'ai aucune honte – est un putain de fardeau, que je porterai jusqu'à la fin de mon existence terrestre … et je sais bien que, si cette « société », cette « norme », ces « gens » menacent (par leurs attitudes, leurs nuisances, leurs injonctions, …) de me pousser dans mes derniers retranchements, il y a largement assez de nuances, de saveurs de noirceur, de volutes d'ombres, de dimensions spectrales et chaotiques dans le Black Metal, notre musique adorée, où je peux, comme vous, me réfugier pour souffler un peu.


Pour exorciser les angoisses mortelles, pour expurger les questionnements interminables, pour témoigner peut-être à un ou plusieurs Camarades qui en viendront à me lire dans des années, j'ai aussi choisi d'écrire. Et ces textes, publiés sur La Horde Noire avec le soutien de toute l'équipe, en sont le résultat concret.


A suivre très bientôt …
 

Krähvenn « Sombrelance » Vërkhörr, mercenaire Troll du clan des Montagnes de l'Est, en exil