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Abhora

Abhora

Metal barré, France

Novembre 2007

Abhora risque surement d'en surprendre plus d'un ici! Que ce soit musicalement bien entendu mais aussi au niveau des textes! Après une interview qui aura traîner sur pratiquement 6 mois, en voici tout de même le résultat. Merci pour leur disponibilité et leurs réponses!

1/ Hellz! Pour commencer, pouvez vous nous faire un bref récapitulatif du parcours musical de Abhora, vos motivations, vos sorties, le line up, etc?

Sylvain (voix) : Oui, on peut le faire ! Alors, ce n'est pas très original, Olivier (guitare) et moi, on s'est rencontrés au lycée, on a eu envie de faire un groupe de rock. Avant on faisait du neometal, on assume. Ensuite il y a eu des évolutions dans notre musique... Aujourd'hui Abhora c'est Cédric à la batterie, Sylvain à la basse, Olivier à la guitare et moi, un autre Sylvain, à la voix. On a sorti une démo autoproduite en 2004 et le 5 titresNoircir sa page, autoproduit aussi, en 2007. On est aussi présents sur les compilsArtnak1 et 3, qui sont des compilations gratuites et artisanales. Nos motivations ? Sérieux, dynamiques et ayant l'esprit d'équipe, nous sommes prêts à nous adapter à tout type de concert.

2/ Votre son laisse penser que vos influences sont diverses et nombreuses, quels sont les groupes qui font l'unanimité chez Abhora?

Olivier : Bonne question mais on pourra pas y répondre à mon avis.
Cédric : La voix de la SNCF.
Sylvain (voix) : Celle d'Arte aussi.
Cédric : Rebecca Manzoni.
Sylvain (voix) : Plus sérieusement, on pourrait peut-être citer quelques groupes de metal qu'on a vraiment tous écouté, et pas qu'un peu, comme SEPULTURA par exemple. Ceci dit, on écoute tellement tous des trucs différents que c'est dur de balancer des noms comme ça.
Sylvain (basse) : Et puis plus on sort des trucs précis, plus les gens vont nous identifier à ça...

3/ Les derniers skeuds qui ont attiré tout particulièrement votre attention ces derniers mois?

Olivier : RENAUD GARCIA-FONS, contrebassiste tueur, l'albumArcoluz, qui est un album live, et puis CASEY accessoirement,tragédie d'une trajectoire; STOCHELO ROSENBERG aussi.

Sylvain (voix) : Moi, pareil, CASEYtragédie d'une trajectoire,ennemi de l'ordreet aussi tout le reste ; YEAR OF NO LIGHTnord; tout CEASEUpon The Capitol; LA RUMEUR, le dernier albumdu cœur à l'outrage; JOHN BALLsociety vs. community; DAÏTROlaisser vivre les squelettes, PAVLOV, IRON BATASUNA, FALL OF EFRAFA, TRAGEDY... pfff j'arrête c'est chiant.
Sylvain (basse) : Y'a SIKTH, MAHAVISHNU ORCHESTRA, THE OCEAN (?), et puis après ça passe par pleins de trucs, du funk, du jazz, LYE BY MISTAKE, THE POLICE...
Cédric : CAR BOMBb, RABIH ABOU-KHALIL, CANVAS SOLARIS, JULIEN LOURAU, GARCIA-FONS également et puis un truc mais je me rappelle plus du nom.

4/ Vous avez sorti cette annéeNoircir sa page. Comment s'est passé l'enregistrement? Et où? Notons aussi qu'il est, dans son intégralité, en libre téléchargement sur votre site. Pourquoi ce choix, qui est tout à votre honneur?

Olivier : Comment s'est passé l'enregistrement ? Mal.
Cédric : L'enregistrement c'était chez moi, au studio « La Forge ».
Olivier : L'enregistrement a été super long. On a commencé en décembre 2005 à enregistrer la batterie. Ensuite on a eu des petits problèmes de bassiste pendant 6 mois. Du coup on s'est séparés de lui. Et j'ai fait la basse en plus de la gratte.
Sylvain (voix) : Du coup on a mis un an à l'enregistrer. Moi ça m'a fait mal à la tête. Sinon je trouve que abhora sur disque c'est un peu moins fou et un peu plus froid que sur scène... Concernant les téléchargement libre, déjà, c'est vrai c'est tout à notre honneur (ahah).
Olivier : Je dirais que déjà la première chose c'est qu'on fait pas de la musique pour faire du commerce et de l'argent, et le téléchargement libre ça permet de le diffuser sans que ça nous coûte trop cher.
Sylvain (voix) : C'est vrai que ça nous tient à cœur de diffuser librement notre musique, d'où la possibilité de télécharger TOUT ce qu'on fait sur notre site. Et d'ailleurs, pas que la musique : lire les textes etc. Après, pour ma part c'est une volonté politique de pas être réduit à une vulgaire marchandise, et c'est ma modeste contribution pour couler l'industrie du disque. De toutes façons, pour moi la musique ça représente plus que de simples disques, ça représente des trucs qui sont pas monnayables. D'ailleurs on va faire un morceau pour une compilation deDon A l'Etalage(DAEpour les intimes). Donc le don à l'étalage ben c'est un peu l'inverse du vol à l'étalage, c'est-à-dire glisser des objets gratuits dans des endroits où rien n'est gratuit. Par exemple mettre des disques gratuits à la fnac, mettre des fanzines gratuits dans un kiosque à journaux etc...
Olivier : Si ça vous intéresse, sur notre site y'a pas mal de lien pour ce renseigner sur des initiatives de ce genre, entre autre sur le don à l'étalage.
Sylvain (voix) : Et pour cette compilation les groupes vont donc filer librement un morceau, la compile sera fabriquée artisanalement et distribuée avec cette technique du don à l'étalage. C'est une forme de piratage de la culture marchande.
Sylvain (basse) : Moi je télécharge beaucoup de toutes façons.
Olivier : Sinon nos disques, quand on les distribue de la main à la main dans nos concerts ou ailleurs, sont à prix libre, ce qui permet aux moins fortunés de l'acheter et aux plus fortunés de participer à ce qu'on puisse en refaire d'autres derrière.

5/ Le mouvement politique anarchiste serait il le plus approprié pour le groupe? Si oui, pouvez vous nous en dire plus sur ce terme souvent mal utilisé, soit de manière quotidienne mais de façon péjorative, soit employé par des « pseudo jeunz rebelz perdus »?

Olivier : Je pense qu'on s'identifie pas à un truc anarchiste ou quel qu'il soit. Ça m'énerve un peu les étiquettes comme ça.
Sylvain (voix) : En tous cas on cherche pas à être catalogués comme groupe anarchiste, même si « anarchometal » c'est bien marrant. Après comme c'est moi qui écrit les textes je veux bien en dire un peu plus. Moi effectivement à titre personnel je me sens plutôt anarchiste, mais dans un groupe y'a plusieurs individus et on a tous des positions politiques, mêmes si elles convergent dans l'ensemble, quelquefois elles sont différentes sur certains trucs. Ce serait du coup pas très honnête de dire qu'on est un groupe anarchiste.
Cédric : « Une seule idée pour plusieurs cerveaux, désolé mais ça ne vole pas haut ». Aahah.
Sylvain (voix) : Alors ces gens, je parle de Lofofora, ont signé une pétition contre le téléchargement : qu'ils aillent mourir. Sinon concernant la récupération de l'imagerie anarchiste par le système capitaliste, c'est justement le sujet d'un de nos morceaux, qui s'appelle « un nouveau matraquage », qui parle de la capacité du système à récupérer (presque) toutes les formes de contestation. On voit ça régulièrement dans la pub. Heureusement je pense qu'il y a encore certaines formes d'action qui ne sont pas récupérables, c'est à toi de les voir et de t'en servir.

6/ Concernant les paroles du groupe à présent, qui en est l'auteur? Abhora est un groupe engagé, c'est le moins qu'on puisse dire! Vous appelez, entre autre, à ne plus se rendre aux urnes pendant les élections, pouvez vous nous expliquer cet engagement?

Sylvain (voix) : Comme pour la question d'avant : c'est moi qui écrit les textes et ça plaque un discours sur tout le groupe, mais faut bien se dire que ce que j'écris c'est pas forcément partagé à 100% par tout le monde. Sinon moi j'aime pas du tout le terme « groupe engagé ». C'est une expression qui a tendance à me faire fuir à 10km parce que j'ai l'impression que c'est justement une espèce de truc marketing qu'on agite comme ça : vous vous êtes le groupe engagé, donc vous êtes les types qui font la soupape en faisant les guignols pseudo-politisés. Je hurle la plupart du temps et j'ai pas envie de hurler des trucs niais, ou sans raison. Comme ce sont souvent des sentiments de colère qui influencent ce que j'écris, j'écris des trucs politisés mais c'est pas avec la volonté de faire « groupe engagé ». Après le fait de pas voter c'est vraiment un truc personnel. Par exemple dans le groupe y'en a qui votent et d'autres non et on s'est pas encore entretués. Pour moi je peux justifier ça disant que aller voter c'est abdiquer et refuser sa capacité à faire les choses par soi-même et puis ça m'énerve qu'on réserve la politique à un mois tous les 5 ans ou à 500 personnes sur un pays de 60 millions d'habitants. Après sans vouloir répéter bêtement des phrases toutes faîtes, y'a quelqu'un qui a dit un truc dans le genre « c'est con de subir ses maîtres, mais c'est encore plus con de les choisir », et ça résume pas mal ma position par rapport au vote dans une démocratie représentative.
Olivier : Moi concernant le vote je pense que c'est une façon de déresponsabiliser les gens, tous les 5 ans ça leur permet de se sentir la conscience tranquille, de se sentir « citoyen », c'est un terme qui me fait absolument gerber. Dans le principe je pense que la politique c'est un mot qui fait peur à beaucoup de gens, alors que la politique c'est juste diriger sa vie tous les jours sans attendre qu'il y ait un connard qui est à mille lieues de tes conditions de vie... Je pense pas que déléguer sa vie à un mec qui est éloigné de l'endroit où tu vis et de tes conditions de vie, à ce point-là, ce soit quelque chose de bien à faire.

7/ Juste une question sur ces élections justement, même si LA HORDE NOIRE est et restera apolitique. Avec le recul, quel regard portez vous sur cette foire aux bestiaux?

Olivier : Je préfère même pas considérer ce qui se passe dans une sphère qui n'est pas la mienne, je préfère ignorer tout le battage qui se fait et les laisser tranquilles faire leur cinéma dans leur coin, parce que je trouve que c'est tous des clowns. Qu'ils fassent leurs trucs, qu'on fasse les nôtres.
Sylvain (voix) : Tu dis que LA HORDE NOIRE est apolitique... Pour moi la neutralité c'est pas possible. Si tu prends pas partie ça veut dire qu'à un moment tu choisis de fermer les yeux, et à ce moment-là tu es forcément du côté du pouvoir, enfin bref, la question c'était les élections. Je rejoins Olive. Pour moi c'est vraiment du flan de passer du temps à s'intéresser à ça, même si je le fais, ahah. Oui, d'accord il y a une espèce de mascarade entre un PS de droite et un UMP d'extrême droite, partant de là je me sens pas intéressé par ça. Comme je l'ai dit avant, je me suis plutôt senti énervé par l'espèce de regain d'intérêt d'un coup pour la politique, ou ce que les gens croient être la politique. Après j'ai trouvé chouette ce qui s'est passé dans les rues de presque toutes les villes de France suite aux deux tours de l'élection présidentielle et qui a été très peu ou mal relayé, à savoir qu'il y a des gens qui ont affronté la police, et clairement la police de Sarkozy pour dire qu'ils étaient pas d'accord, et comme d'habitude on a réduit ça au terme épouvantail de « casseurs » alors que je pense que c'est des gens qui avaient de réelles motivations politiques (comme je pense que l'on peut tout à fait revendiquer la casse de manière politique). C'est le seul truc que je retiendrais de ces élections.

8/Autre exemple, avec votre très bon morceauBleu blanc rouge sang. Vous vous en prenez cette fois ci au drapeau français, symbolique très fort. Pouvez vous nous en dire plus?

Olivier : Alors déjà c'est une chanson qui date un peu, qu'on avait composé et que Sylvain avait écrite en rapport à ce que Sarko avait fait passer sur l'interdiction de cracher sur le drapeau et sur tout ce qui représente l'Etat.
Sylvain (voix) : L'hymne national... Interdiction de toute manifestation de non respect envers les symboles de la nation.
Cédric : De toutes façon dès que quelqu'un se rappelle du titre d'un de nos morceaux on arrête de le jouer après !
Sylvain (voix) : Après, oui effectivement je trouve que c'est un titre un peu facile et ça fait partie des raisons pour lesquelles on le joue plus, bien que je soie quand même content de ce texte. Souvent les gens pensent que l'Etat c'est pas si terrible que ça parce qu'en France on a des trucs comme la sécurité sociale...
Sylvain (basse) : Moi, par exemple c'est ce que je pense, je trouve qu'il y a pire ailleurs.
Olive : Ouais mais moi ce qui m'énerve c'est ces interdictions-là, de pas cracher sur ton pays, ou des discours récents de Sarko ou il dit « la France tu l'aimes ou tu la quittes » ou d'autres conneries, y'a un moment faut arrêter d'être toujours dans la provocation, et de vouloir tout contrôler à ce point-là, de vouloir contrôler ce que les gens peuvent penser.
Sylvain (voix) : Moi ma position par rapport au fait qu'il faille respecter l'État est la suivante : je suis pas d'accord avec ça parce que pour moi l'État et la nation, qui sont deux concepts différents mais qui se rejoignent forcément, en tous cas la nation, donc la nationalisme ça a toujours été des sources d'oppression, voire de massacre quand c'était dans une logique coloniale par exemple, ou plutôt quand c'est dans une logique coloniale puisque ça a encore cours maintenant, par exemple à Chambéry il y a le 13ème Bataillon de Chasseurs Alpins qui a été envoyé en Côte D'Ivoire pour soi-disant faire des opérations de maintient de l'ordre alors qu'ils ont tiré à balles réelles sur la foule qui avait bien compris que leur présence était justifiée par des intérêt économiques et politiques, donc si ça c'est pas une logique coloniale ou en tous cas post-coloniale... Bref. Pour moi ça me parait important de rappeler tout ça. C'était un peu le sens de ce morceau, de rappeler que quand on nous dit de respecter le drapeau français, moi quand je le vois je repense plutôt à toutes les fois où il a été hissé au dessus de gros bains de sang. Et ça sera évidemment pas dans les livres d'histoire parce que ce qu'on nous apprend à l'école va dans le sens de l'Etat, c'est pas pour rien que ça s'appelle l'Education Nationale. Et par exemple l'espèce de propagande qu'il y a pu y avoir au moment de la coupe du monde de football avec le slogan « black, blanc, beur » tous unis sous un drapeau tricolore, ça me fait vraiment gerber, c'est vraiment une façon de nier l'histoire. Y'a aussi un autre morceau qui parle un peu de ça, c'estNous sommes déjà morts, il parle des relations entre la France et l'Algérie depuis que la France est allée coloniser l'Algérie en faisant plus de 700000 morts en quelques années, et des répercutions que ça peut avoir sur la politique maintenant. Tous les gens qui étaient dans la liesse totale le soir de la coupe du monde, avec Zinedine Zidane, je pense que c'est tout simplement bien de rappeler ce qu'il y a derrière.

9/Dans notre société de (sur)consommation, des absurdités émanent de plus en plus: l'homogénéisation (totale?) des goûts, des envies et des plaisirs, l'individualisme (quasi) omniprésent, le « toujours plus », l'hébétude croissante de la population ou encore la manipulation médiatique et étatique, pour ne citer que ces exemples. Que faire, concrètement, face à cette forme de « totalitarisme » de la pensée?

Cédric : ça c'est une affaire personnelle et si ça te plait pas faut te prendre en main. C'est pas un truc que tu fais par des actions politiques, c'est des actions de tous les jours qui font que ça se fait ou pas.
Olivier : Moi perso c'est comme pour ces histoires d'élection, je préfère... Enfin le comportement des gens qui m'entourent et que je peux croiser dans la vie de tous les jours il m'attriste et il m'énerve, donc des fois je préfère ignorer le truc et me comporter comme je l'entends, tout en m'apercevant clairement que beaucoup de gens se font complètement entuber tous les jours, qu'ils sont complètement écervelés et que la première chose à faire c'est déjà au quotidien arriver soi-même à vivre différemment et pas être bouffé par les millions de trucs qu'on croise sur notre route. Si chacun y met du sien, après c'est super con à dire, mais ça peut commencer ici. Après il faut aussi adopter d'autres comportements, d'autres modes d'échange qui soient pas commerciaux et qui sont en fin de compte beaucoup plus intéressants.
Sylvain (voix) : Moi je suis d'accord pour dire que le confort matériel c'est plus efficace que la répression policière parce que ça endort les gens. Après qu'est-ce qu'on peut faire pour lutter contre ça ? Comme a dit Cédric, chacun peut, et doit je pense, réfléchir individuellement à ce qu'il a envie et ce qu'il est capable de faire. Par exemple je pense que ça peut commencer par garder un minimum d'esprit critique et puis essayer de s'informer de façon un peu alternative. Y'a tout un tas de livres, de brochures ou d'autres façons de s'informer comme les sites indymedia, qui sont des sources d'information indépendantes, et après dès qu'on peut ça peut être intéressant de saboter le système à son petit niveau et de pas tout le temps laisser son cerveau à la maison et de pas faire faire ce qu'on te dit ou ce qu'on t'intime de faire comme l'a dit Olive à travers la publicité, les médias etc.

10/Des auteurs anarcho primitivistes, comme John Zerzan, expliquent que la solution à tous ces maux, avant que l'aliénation de l'homme soit totale, est un retour en arrière, en détruisant entre autre toute l'industrie, les réseaux de communication, etc. Quel regard portez vous là-dessus?

Sylvain (voix) : Je n'ai pas lu John Zerzan mais j'ai lu des trucs dessus et j'en ai entendu parler. Je pense qu'il y a des trucs intéressant effectivement à prendre dans l'anarcho-primitivisme. Le coup du... en fait c'est pas un retour en arrière, le coup de la destruction des industries et des moyens de communication, je vois dans quel but, mais forcément que nous on est en contradiction avec tout ça, parce que par exemple on utilise du matériel de musique fabriqué de façon industrielle, on n'a pas fabriqué nous même nos baguette de batterie, nos micros, mais du coup on est bien content de pouvoir se servir de ces trucs-là pour essayer de les détourner un peu. Après je suis pour la décroissance active, mais le culte de la nature je m'en sens beaucoup moins proche, c'est-à-dire que je pense qu'à un moment l'anarcho-primitivisme il peut vite tomber dans une espèce de culte de la nature et j'ai pas envie de retomber dans une nouvelle forme de culte. J'ai pas envie que ce soit le culte de la marchandise mais j'ai pas envie que ce soit le culte de la nature non plus. J'ai envie qu'on essaye de penser un peu au-delà de ce genre de schémas.
Olivier : Moi je pense que le système politique d'aujourd'hui il est assez révélateur de cette image du retour en arrière. Y'a énormément de lois qui en corrigent d'autres. C'est juste un exemple mais au lieu d'empiler des lois comme on le fait tous les jours, faudrait peut-être revoir celles qu'on a déjà, bon c'est un exemple politique, c'est pour expliquer ce retour en arrière qui pourrait pas être néfaste. En gros faut arrêter de s'enfoncer dans la merde tout le temps.

11/ Le black metal est une musique élitiste et marginal, qui ne souhaite pas, entre autre, d'être « salit » par tout ce business (on l'a vu et j'espère qu'on continuera de le voir, dès que des groupes de BM comme CRADLE ou DIMMU BORGIR ont commencé à se démocratiser...). Vous comprenez et êtes en accord avec cette démarche?

Olivier : Moi j'ai l'impression que ça peut être du business comme toute autre forme de zique. Après je veux pas catégoriser le truc ni le cataloguer non plus. Je suis pas sûr que le black metal ce soit une des musiques les plus ouvertes qui soient.
Sylvain (voix) : C'est ce qui est dit dans la question. Moi je pense que, par exemple en ce moment tout ce qui est « on reste dans notre petit milieu et on fait notre truc élitiste entre nous », c'est un truc qui a tendance à m'emmerder à fond. Je pense que quelquefois on gagne pas mal regarder à côté. Des fois c'est bien de s'allier avec des gens ou des choses qui sont pas dans ton petit milieu. Par exemple j'ai trouvé que pendant le mouvement « anti CPE », c'était bien quand anarchistes et banlieusards ils faisaient des trucs ensemble, je trouvais que ça donnait de jolis résultats. Je comprends l'envie d'être un minimum intègre par contre je pense qu'il y a beaucoup de groupes de black metal qui sont dans une démarche qui est beaucoup spectaculaire que la démarche transgressive que ça pouvait avoir au début de ce mouvement ou de ce courant musical. Je suis pas un spécialiste du black metal mais ce que j'en vois maintenant, je vois plus ce qu'il y a de transgressif et marginal dans le fait de reproduire des schémas établis y'a 20 ans.
Cédric : Moi je trouve que le black metal c'est pas un truc à part. Dans tous styles, même si les styles ça me fait un peu chier, les groupes qui sont les plus intéressants c'est pas toujours les plus exposés, des fois il faut un peu creuser et les gens qui font du black metal intéressant c'est souvent des gens qui sont ouverts et qui s'arrêtent pas à ce que Burzum fait ou aux histoires d'églises brûlées.

12/Vous avez décidé d'utiliser la musique pour exprimer vos idées, Est-ce votre seul moyen d'expression?

Sylvain (basse) : Moi j'utilise la musique pour faire de la musique et je reste bien à l'écart des messages. Je me sers avant tout de la musique pour exprimer artistiquement ce que j'aime faire, ça va déborder forcément sur un message, comme des paroles, ça reste plus dans le côté artistique, le plaisir de jouer de la musique, le plaisir de pratiquer cet art. C'est pour ça que je garde un peu d'écart sur les discours. Sinon d'autres moyens de t'exprimer : en discutant avec des gens de tous les jours, connaître de nouvelles personnes, voir un peu ce qu'ils pensent, pas avoir d'idées reçues. T'es pas obligé forcément de partir sur un truc et de le critiquer dans tous les sens, de le retourner.
Olivier : Moi je rejoins un peu Sylvain pour ce qui est de la musique, c'est un truc que je fais tout le temps, à fond, c'est un truc qui me passionne vraiment. Après c'est quasiment le seul moyen d'expression que j'ai pour le moment. Ça veut dire que je me suis pas encore intéressé plus profondément à d'autres moyens d'expression mais ça viendra. La musique en est un mais je pense qu'il y en a beaucoup d'autres. Il suffit d'avoir le temps, l'envie, et aussi de rencontrer de gens qui te donnent envie de t'exprimer par d'autres moyens.
Sylvain (voix) : Moi, non, la musique c'est pas mon seul moyen d'expression. J'essaye de m'exprimer dès que c'est possible. Par exemple j'écris dans un fanzine qui s'appelleCul de Sac(va voir sur http://culdesac.fanzine.free.fr/ et télécharge tout). Après je pense qu'il y a vraiment 13 milliards de façons de s'exprimer. Tu peux écrire ce que tu penses sur des murs, tu peux écrire un article sur indymedia, tu peux jeter des cailloux sur la police, tu peux écrire des tracts que tu distribues aux gens que ça peut intéresser, tu peux écrire des brochures si t'as envie, aussi avant je faisais une émission de radio.
Olivier : Je pense que tu peux aussi sensibiliser les gens en parlant avec eux, croiser des points de vue, leur apprendre des choses.
Sylvain (voix) : Je pense que la musique, enfin je suis peut-être super naïf, mais je pense que quelquefois la musique c'est un bon moyen pour faire passer mes idées. Par exemple en ce moment avec des ami-e-s à Grenoble, nous sommes en train de faire une compilation d'information et de soutien contre le fichage ADN. Dans cette compile y'a des groupes qui font des morceaux qui parlent de ça et ça permet aussi de diffuser une position politique, de dire qu'on est contre, pourquoi est contre. Voilà c'est juste un autre exemple.

13/ Les membres du groupe ont-ils d'autres occupations « musicales » dans la scène locale?

Cédric : Ben ouais moi je suis pas mal occupé avec mon studio d'enregistrement, sinon j'ai un projet naissant, c'est un duo qui s'appelle TROIS.
Sylvain (basse) : Moi j'ai un groupe aussi avec mon frangin, qui joue de la guitare avec moi depuis 15 ans. En ce moment on a un projet, c'est pareil, qui est naissant, on vient de trouver un bassiste. Moi je joue de la batterie dans ce groupe. C'est pareil, ça va tourner plus autour de quelque chose qui va pas forcément être des idées politiques, ça va pas être « engagé », ça va être un histoire créée autour d'un personnage. Y'aura forcément des petits clins d'oeil à ce qu'il se passe en ce moment, mais ça sera pas poussé. On joue avant tout pour se faire plaisir, pour la musique.
Sylvain (voix) : Moi je fais un groupe de rap avec l'autre connard (Olivier), ça s'appelle L'OISEAU MORT (va faire un tour sur http://oiseau-mort.neuf.fr/ et télécharge tout). J'essaie de jouer de la guitare dans un groupe d'emo crust qui pour l'instant s'appelle NAPALM DASSIN (NAPALM DEATH meets JOE DASSIN) et ça latte le groin, selon l'expression consacrée. Je fais un fanzine. Des fois je donne des coups de main pour l'organisation de concerts DIY avec l'équipe 100 SAOULS qui est un collectif de gens qui organisent autour de Grenoble et du coup la musique et ce qu'il y a autour ça représente je sais pas combien mais beaucoup de pourcents de mon temps.
Olivier : Alors moi je joue de la guitare tout seul chez moi toute la journée. Alors j'ai un groupe de rap qui s'appelle L'OISEAU MORT avec l'autre connard (Sylvain). Je pense que ce truc-là...
Sylvain (voix) : ça va péter sa mère !
Olivier : On aimerait bien l'amener sur scène, même si j'aime pas ce terme, m'enfin faire des concerts dès qu'on pourra, c'est un projet qui me tient bien à cœur. Après j'ai un autre truc ou ça va être plus electro jazz fusion, enfin par rapport à ce qui se fait en ce moment et qui est bien à la mode on va essayer de faire un truc bien décalé, ou je ferai de la programmation et des guitares. Je donne des cours de gratte accessoirement. Et puis je fais des participations sur des arrangements, un peu de mixage, des choses comme ça. Je viens aussi de commencer un autre projet assez trippé, guitare, basse, batterie, influencé par des trucs comme RENAUD GARCIA-FONS, sans prétention.
Sylvain (voix) : Et on peut redire que Cédric enregistre des groupes dans son studio (contact ?)
Cédric : Ouaip, ça s'appelle LA FORGE et tu peux trouver toutes les infos ici : http://studiolaforge.free.fr/.

14/Quels sont les projets d'Abhora dans les mois à venir, dans les années à venir? Devenir un groupe de pop niaiseux, être distribué chez nos amis de la FNAC et passer à la radio?

Cédric : Faire des trucs avec Bernard Minet.
Sylvain (voix) : Passer à la radio c'est déjà fait, deux fois !
Olivier : Et d'expérience on se renseignera mieux quand on nous invitera à faire un interview à la radio.
Sylvain (voix) : Sinon les projets du groupe ? Déjà on revient d'une tournée de deux semaines à travers l'Europe (La Ferrière dans le 3.8., Suisse, Tchéquie, Pologne, Hongrie, Slovénie, Italie). C'était énorme et ça nous a montré qu'il suffit de se prendre en main pour y arriver. On a pas besoin de tour-machin et autre manager pour ça. Y'a pas besoin d'être PINK FLOYD et de jouer devant 50000 personnes tous les soirs pour pouvoir tourner et rencontrer des gens et jouer dans des endroits cools. Sinon on aura un titre dans la compilation contre le fichage ADN. Un autre morceau pour la compilationDon A l'Etalage. On a aussi fait un titre pour la nouvelle compilationTaenia Solium. TAENIA SOLIUM c'est une asso d'agitation musicale (http://taenia-solium.net/) qui propose de sortir des compilations entièrement gratuites, uniquement financées par les concerts de soutien, sans subvention, ce qui permet de diffuser librement plusieurs milliers de disques à chaque épisode. En l'occurrence pour cette compilation, le principe c'était que chaque titre soit une collaboration entre deux groupes, ou entre un groupe et une ou plusieurs personnes. Donc nous on a décidé d'inviter YOUNES, le deuxième de TROIS, le chanteur de NERV, l'animateur du webzine ALGOBLAST, le compositeur fou derrière le projet OHMSÄGOR ; sinon il fait aussi de chouettes vidéos... Y'a aussi Nak, qui est le one man band ZERO ABSOLU, Môsieur Absolu comme on l'appelle, et l'ancien guitariste du groupe annécien SAONI MA. Et puis il y a Alex, le chanteur du groupe chambérien INYS. Y'a tous les liens sur notre site. Sinon moi mon but dans les mois à venir c'est de faire comprendre aux métalleux qu'ils ont le droit de se servir de leur cerveau et splitter.
Olivier : Et pour ce qui est de la fnac on est en contact !
Sylvain (voix) : On aura des disques chez eux mais ils le sauront pas !

Caedes